Chantal et Martin

Confinement et vie spirituelle

La revue Unité des chrétiens a invité ses lecteurs à témoigner de leur vie spirituelle durant ce temps de Pandémie du Coronavirus. En relisant ce mois et demi de confinement, je réalise que ce temps tragique a aussi été un temps, où la grâce de Dieu m’a rejoint ! Voici ce que j’aimerais partager. 

 

1. Tout d’abord ma foi chrétienne me donne une confiance. Nous ne sommes pas seuls. Depuis sa résurrection Jésus-Christ est tous les jours avec nous (Mat 28,20). Je peux donc tout vivre devant lui. Ces temps constituent pour moi une occasion d’un approfondissement de ma relation avec lui. Il est là, Dieu d’amour, dans le bonheur comme dans le malheur (qu’il a traversés dans son humanité), et il m’invite à être avec lui. (Eccl 7,14)

 

2. Je suis heureux de ne pas être confiné seul chez moi, mais de pouvoir vivre ce temps avec ma femme Chantal. Vivre ensemble la promesse de Jésus d’être présent « là où deux ou trois se réunissent en son nom » est une immense grâce (Mat 18,20). Je réalise un peu mieux que notre vocation chrétienne est de faire de nos maisons des petites Églises domestiques. Peut-être est-ce une grande leçon de ce temps ? (Voir ici mes réflexions à ce sujet.) Personne ne peut (ne doit) détruire ce temple de Dieu qu’est la vive présence du Christ parmi nous. Elle peut se vivre partout, même si les rassemblements d’Église sont interdits !

 

3. Un moment fort de la journée est un temps de lectio divina avant le petit déjeuner, où après avoir chanté quelques chants, nous nous mettons à l’écoute des Écritures, faisons un moment de silence et partageons ce que le texte éveille en nous. A chaque fois je suis émerveillé de son actualité, en particulier en lien avec la situation présente. Ce temps d’écoute et de partage donne le « la » à toute la journée. Le fruit en est une prière que je mets sur les réseaux sociaux. J’essaie d’en écrire une chaque jour. Voir ici mes « prières en temps de Coronavirus« .

 

4. Garder le lien avec nos enfants et petits-enfants met de la joie au cœur. Des partages de qualité peuvent se vivre par téléphone ou « Facetime ». Je l’ai aussi vécu avec plusieurs personnes avec lesquelles c’était l’occasion de reprendre contact. Mais bien sûr, cela est possible pour un moment : rien ne peut remplacer le face à face réel.

Notre paroisse protestante du Mont sur Lausanne nous relie aussi les uns aux autres à travers le culte du dimanche retransmis par vidéo, et avec deux temps de prière durant la semaine. Nous faisons également partie d’un groupe de partage de la paroisse qui continue à se réunir par vidéo-conférence. Chaque mardi soir, je vis aussi un temps semblable avec mes amis d’un groupe oecuménique du mouvement des Focolari dont je suis membre. 

 

5. Un autre moment fort de cette période exceptionnelle a été un jeûne de longue durée. Nous faisons partie, en effet, d’un groupe – également œcuménique – qui vit une telle démarche, chaque année durant le temps du Carême. C’est une proposition des œuvres d’entraide protestante et catholique de Suisse romande. Nous nous retrouvons chaque soir pour un temps de partage sur ce que nous vivons, méditons sur un thème spirituel et prions les uns pour les autres. Cette année les rencontres ont eu lieu à travers « Skype ». Le thème était celui des semailles : « Je récolte ce que je sème ». J’ai été intrigué que le Psaume 126 (ou 125) dise « Celui qui a semé dans les larmes, moissonne dans la joie ». Pourquoi le semeur pleure-t-il ? Dans les Écritures, les semailles symbolisent un temps d’épreuve. Or le temps que nous vivons en est un. Mais il y a la promesse de la moisson !

 

6. Le « Triduum pascal» (les quatre jours de jeudi saint à Pâques) a aussi été un fort temps spirituel. Ces dernières années, Chantal et moi le vivions à la communauté de Saint Loup (dont je suis l’accompagnateur spirituel) où je participais à l’animation d’une retraite avec une trentaine de personnes. Mais cette année elle a été annulée. C’était une souffrance. Cependant j’ai écrit les méditations de cette retraite et les ai mises en ligne et ai constaté qu’elles ont été lues par plusieurs centaines de personnes ! Le thème de cette retraite était basé sur la « Parole de l’année » de la communauté : « Je vis, mais ce n’est plus moi ; c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2,20).

 

7. Le jour de Pâques j’ai participé à plusieurs actions. Avec l’équipe de « Jésus Célébration 2033» (une initiative invitant toutes les Églises à préparer les 2000 ans de la résurrection de Jésus)  avec laquelle je collabore, nous avons contacté une cinquantaine d’amis pour leur demander de dire la salutation pascale dans leur propre langue : « Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ». Cela a été l’occasion de reprendre contact avec des personnes des cinq continents. A la vue de cette vidéo j’éprouve une grande émotion de voir combien le Ressuscité nous unit, chrétiens du monde entier et de toutes les Églises

Puis, avec un couple de musiciens compositeurs, nous avons réalisé une vidéo sur le thème du « chemin d’Emmaüs en temps de confinement », dans une forêt. Nous l’avons mise en ligne le jour de Pâques. Enfin j’ai participé au culte sur internet de Pâques dans ma paroisse, où nous étions invités à participer à la sainte cène, avec une coupe de vin et du pain qui était sur notre table, en communion avec notre pasteur qui prononçait les paroles d’institution du Christ. Une première expérience de ce genre qui me fait beaucoup réfléchir !

 

8. D’autre part la vie et le travail continuent, mais autrement. Grâce aux vidéo-conférences, il m’est possible de continuer à accompagner des projets œcuméniques, que cela soit dans le cadre de JC2033, de l’École de la Parole en Suisse romande, du Forum chrétien romand, ou encore du groupe international de théologie œcuménique des Focolari (où nous avons l’habitude, depuis cinq ans déjà, de nous rencontrer chaque mois à travers la vidéo).

Mais ce qui caractérise surtout ce temps est que j’ai davantage de temps pour lire, réfléchir, écrire. J’ai remis la main à la pâte pour avancer dans des projets d’écriture qui étaient restés en suspens, comme un livre sur l’ecclésiologie protestante.

 

9. Comme nous ne sommes pas de purs esprits angéliques, la vie spirituelle c’est aussi trouver un équilibre avec des activités concrètes qui impliquent notre corps, l’exercice physique, le manger et le boire. Je me suis initié à la fabrication du levain pour un pain maison. J’ai commencé la pratique du « jeûne intermittent », une fois par semaine.

 J’ai aussi perfectionné ma pratique de la « permaculture » dans notre petit jardin. Et nous faisons une promenade tous les deux jours. Chaque matin, je fais des exercices avec le « Bali Impander », un génial ressort qui permet de faire travailler tous les muscles et provoque une « salutaire » accélération cardiaque.

Ce temps de ralentissement de la vie m’a aussi permis de ranger des choses qui étaient restées en plan suite à notre déménagement il y a deux ans. Enfin, je dois être attentif à ce que la multiplication de l’information par tant de moyens n’anesthésie pas la vie de l’esprit. Comme antidote, je ne peux que conseiller la lecture suivie de bons livres plutôt que de papillonner sur internet.

 

10. Ce temps coïncide aussi avec mon entrée en retraite qui débutera le premier mai prochain, fête du travail ! Je ne l’aurais jamais imaginée ainsi !

Ce temps est plein de surprises ; j’ai dû accueillir de nombreux renoncements. Me reviennent alors à l’esprit ces paroles de l’apôtre Jacques qui invitait ceux qui ont beaucoup de projets à bien réfléchir : « Voici ce que vous devriez dire : « Si le Seigneur le veut, nous vivrons et nous ferons ceci ou cela. » (Jacques 4,15). Il appelle aussi à vivre le bonheur paradoxal des Béatitudes dans l’épreuve, une sagesse qui n’est pas de ce monde ! (1,2)

J’aimerais conclure avec cette prière, fruit d’une de mes lectio divina matinales :

Vivre tout devant toi, Jésus

qui est avec nous tous les jours.

Que cette confiance m’anime

et me donne d’être témoin

de paix et d’espérance,

plutôt que maître d’inquiétude !

Je n’ai pas besoin de tout comprendre

pour t’aimer de tout mon cœur

et honorer chaque prochain

en qui tu m’attends.


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