La sainte famille en Egypte par Victor Fakhouri.

Marie et la miséricorde, un pèlerinage

La sainte famille en Egypte par Victor Fakhouri. Dans un autre message j’ai médité sur la parole du Magnificat : « sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ». Marie sait qu’elle est « comblée de grâce » (Luc 1,28). Avant même qu’elle vienne au monde, Dieu l’a aimée et entourée de sa miséricorde. Elle sait qu’elle est dans la lignée de tout un peuple qui a été aimé. Depuis Abraham jusqu’à elle, elle confesse que Dieu est celui qui est miséricordieux.

 

Or la vie entière de Marie a été pèlerinage où elle a fait l’expérience de la miséricorde. Marie a été une pèlerine de miséricorde. Son destin est unique, mais elle est aussi un modèle de l’Eglise, comme la présentent les réformateurs, à la suite des Pères de l’Eglise.

En effet, avec elle, nous sommes face à quelqu’un qui est plus grand que tous les prophètes, tous les apôtres, tous les hommes et femmes de tous les temps. Nous rencontrons celle qui a porté le Fils de Dieu lui-même. Expérience non répétitive.

Le pèlerinage de Marie est donc singulier. Toutes les générations rediront son bonheur. Mais elle est aussi très proche de nous. Sa vie, telle que les Evangiles la racontent, est un pèlerinage en plusieurs étapes, qui peuvent aussi être celles de chaque chrétien. 

Comme la vie du corps passe par diverses étapes, avec leurs caractéristiques, ainsi la vie chrétienne. Alors les dix moments du pèlerinage de Marie peuvent être compris comme des étapes de la vie spirituelle, où nous grandissons dans notre relation avec le Christ et avec Sa Parole.1

Ce sont ces dix étapes du pèlerinage de Marie que j’aimerais brièvement présenter.

 Ecouter ici ma conférence 

 1. L’Annonciation

La première étape de la vie de Marie est l’Annonciation. Un Ange se présente à elle avec une parole de la part de Dieu. Avant de lui annoncer la grande nouvelle de l’incarnation, il lui dit combien elle est aimée : comblée de miséricorde.

Après un moment d’hésitation, Marie l’accepte.  Elle dit « oui », alors une réalité nouvelle germe en elle : la vie physique de Jésus (Luc 1.31). Une chose analogue a lieu dans la vie spirituelle.  A un moment de notre vie, à travers une personne-témoin,  ou une Parole de l’Ecriture, Dieu nous dit combien il nous aime.

A travers cette expérience de sa miséricorde, nous avons été appelés à lui répondre. Si nous avons donné notre « oui », il nous est arrivé quelque chose de semblable à Marie. Par Sa Parole, le Christ commence alors à grandir en nous. Non pas biologiquement comme chez Marie, mais spirituellement.

2. La Visitation

Le deuxième moment de la vie de Marie est la Visitation : sa visite à sa cousine Elisabeth. Marie ne garde pour elle son expérience de la miséricorde, mais elle lui communique son grand secret puis chante le Magnificat (Luc 1.46-48). Lorsqu’on vient à connaître la miséricorde de Dieu et à y répondre par notre chant et notre prière, on se met également à voir les autres autrement. 

Comme Marie l’a fait en se rendant chez Elisabeth, on va vers les autres, on partage avec eux joies et souffrances. On commence à raconter notre expérience à nos frères et soeurs qui le désirent.

Lorsque Marie a visité Elisabeth, la présence du Christ en elle était si forte qu’elle communiqué cette grâce à Elisabeth et à l’enfant qui était dans son sein, et qui a tressailli de joie. Toutes proportions gardées, il se passe une chose analogue lorsqu’une personne raconte son expérience de la miséricorde de Dieu.  Souvent ceux qui écoutent reçoivent une visite de l’Esprit et font eux même une expérience de l’amour de Dieu.

3. La naissance de Jésus

A Noël, Marie met son fils au monde. Avec son mari Joseph, elle est la première à vivre la Parole que Jésus dira : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » (Mat. 18.21). Que signifie « être réunis en son nom » ? Les Pères de l’Eglise le comprennent ainsi :  « être unis dans sa miséricorde en étant miséricordieux comme Lui est miséricordieux ».

Quand nous mettons en pratique le commandement nouveau de Jésus  sur l’amour réciproque (Jean 13.34) – entre nous  la présence de Jésus est suscitée : il promet d’être au milieu de nous. Nous donnons spirituellement Jésus au monde, comme Marie l’a donné physiquement.

4. Jésus au Temple

Puis Marie présente Jésus au Temple et rencontre le vieillard Siméon.  Celui-ci exprime sa joie, puis lui dit : « Et toi-même, un glaive te transpercera l’âme » (Luc 2.35). Marie n’aura pas oublié ces paroles et sa vie aura été marquée par l’ombre de cette souffrance qui devait se présenter à elle.

Quelque chose de semblable se passe pour nous.  Nous sommes d’abord enthousiasmés par l’Evangile. Notre vie est révolutionnée.  Puis, nous découvrons une réalité qui fait partie de cette vie nouvelle.  C’est la présence de la souffrance. Sans la présence de la souffrance dans nos vies, la miséricorde manquerait de profondeur.

Si nous voulons marcher sur ce chemin, d’une manière ou d’une autre, nous rencontrerons un jour la croix. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, dit Jésus…qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive » (Luc 9.23) C’est sur la croix que Jésus vivra au plus haut point la miséricorde, l’amour des ennemis, le pardon. C’est dans les moments d’épreuve, que nous sommes aussi appelés à exercer cette miséricorde.

 5. La Fuite en Egypte

Tout de suite après la prophétie de Siméon, Marie éprouve une souffrance, celle de la Fuite en Egypte.  Elle subit les effets d’une très dure persécution au cours de laquelle le sang de tant d’innocents est répandu par le roi Hérode. La foi est en opposition avec le monde, parce que Jésus est signe de contradiction. Elle est souvent critiquée ou attaquée. L’amour n’est pas aimé. La miséricorde est bafouée.

 Où sont les Hérode d’aujourd’hui ? Comme Marie et Joseph l’ont fait pour Jésus, il faut prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder la foi et protéger la présence du Christ. Comment ? En nous tenant dans l’unité les uns avec les autres. En mettant des limites, parfois en mettant de la distance face à la volonté de nuire, voire la perversité. Et puis en regardant sans haine ceux qui nous font obstacle, et surtout en priant pour nos ennemis, en en demandant à Dieu de bénir ceux qui nous persécutent.

 6. Jésus à douze ans

Lorsque Jésus a douze ans, ses parents le perdent; il est resté parmi les maîtres du Temple.  Marie est désemparée (Luc 2.48). Il y a une analogie entre l’état d’âme de Marie à ce moment et ce qu’on éprouve à une certaine étape de la vie spirituelle : le sentiment de l’absence de Dieu, la disparition de l’enthousiasme, la réapparition de difficultés que l’on pensait résolues.

C’est l’expérience de la Bien-Aimée dans le Cantique des Cantiques, qui vit l’absence du Bien-Aimé. Certains ont appelé cela la « nuit de la foi« .  Pour Marie, perdre Jésus a été, d’une certaine manière, une nuit de la foi, ou une « nuit de la miséricorde ». Surgit alors la terrible question : « suis-je encore aimé ? »

7. Nazareth

Après cette épreuve, Marie a connu une longue période où elle a pu vivre aux côtés de Jésus; personne au monde ne pourra jamais en connaître la beauté et l’intimité. Y a-t-il eu sur terre une communion plus profonde avec le ciel que dans cette maison de Nazareth ?

Parallèlement ceux qui accueillent avec foi et espérance des épreuves parfois longues et les surmontent avec la grâce de Dieu progressent ensuite dans la vie chrétienne; ce sont alors les expériences les plus diverses d’une intimité nouvelle et profonde avec Dieu, telle qu’ils n’en avaient jamais connue.

Nous avons le sentiment que notre « coupe déborde », tellement la miséricorde remplit notre cœur. Alors Jésus grandira dans nos vies, comme il a grandi en âge et en sagesse sous les yeux de Marie. 

 8. Le ministère public

Entre 30 et 40 ans, Jésus commence son ministère public. Il appelle ses disciples. Ils le suivent et Marie en fait partie. Ce sont les années pendant lesquelles il prononce les paroles qui donnent la vie éternelle, il fait des miracles et forme les disciples pour sa communauté du Royaume. Dans la convivialité avec lui, ses disciples découvrent en lui le visage miséricordieux du Père. « Qui m’a vu a vu le Père ». Et Jésus les appelle à « être miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ».

Marie, comme eux est appelée à faire tout ce qu’il dit. Elle devient encore davantage disciple du Christ (Jean 2.5 ; Marc 3.35), elle qui a toujours médité ses Paroles dans son coeur (Luc 2,19). Elle ne peut se prévaloir de son statut de mère. Parfois même Jésus met une distance entre elle et lui.

Dans la communion avec Dieu dont nous avons parlé dans le point précédent, plus le temps passe et plus l’appel intérieur du Christ se fait fort.  La tâche est alors d’écouter ce que Jésus nous demande et de le suivre.

 9. Au pied de la croix

Marie arrive ensuite à l’heure de la mort de son fils.  Elle est au pied de la croix et Jésus s’adresse à elle : « Femme, voici ton fils, » avant de dire au disciple bien-aimé : « Voici ta mère » (Jean 19.26s). Voilà que Jésus semble inviter Marie à renoncer en cet instant à son enfant, à son œuvre, son « œuvre de miséricorde ».  Marie perd la raison même de son choix de vie : elle perd Jésus. Quoi de plus terrible pour cette femme, cette mère qui a engagé sa vie entière sur une promesse de Dieu. 

Comme à Marie, un jour Dieu peut nous demander de nous détacher de nos œuvres de miséricorde, de lâcher prise, de nous tenir au pied de la croix. Mais la croix n’est pas le dernier mot. Une fois l’épreuve surmontée par la foi, le chrétien peut devenir fécond, et susciter la foi chez beaucoup. C’est la paternité ou maternité spirituelle, que Marie avait exercée envers le disciple bien-aimé et certainement dans la première communauté.

10. Dans l’attente de l’Esprit saint

Après la mort de Jésus, Marie est là.  Elle fait l’expérience de Jésus ressuscité présent au milieu des apôtres durant 40 jours. Elle reste avec les apôtres dans l’attente de la venue de l’Esprit saint.  Jésus qu’elle a porté physiquement, lui sera redonné spirituellement, par l’Esprit saint.  Jésus, dont elle était la seule à pouvoir dire, de manière physique: « Celui-ci est mon corps« , lui sera redonné spirituellement dans la sainte cène (« Ceci est mon corps) et dans la communauté, qui est le « corps du Christ ».

La vie spirituelle du chrétien, c’est de progresser dans « la vie en Christ » : Jésus vient habiter en nous, comme Paul le dit: « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi ». (Galates 2.20). Le but du chemin du chrétien, dont Marie est en quelque sorte la figure exemplaire, c’est la vie éternelle. C’est de courir comme un athlète afin de recevoir la « couronne de la vie promise à ceux qui l’aiment. » (1 Cor. 9.25, Jacques 1.12)

A quelle étape sommes-nous sur ce chemin ? Où que nous en soyons, nous pouvons toujours à nouveau nous relier au Christ. Choisir la volonté de Dieu, que Marie a faite sur son chemin. Choisir la volonté de Dieu, c’est choisir de vivre de la miséricorde, de la recevoir du Père et de la partager avec tous !

Oui, que la miséricorde devienne notre chemin, sur les traces de Marie ! Elle est  notre grande sœur et nous entraîne dans ce pèlerinage.

Que l’Esprit saint nous révèle les dimensions de la miséricorde dans toutes nos situations. Que rien ne soit fait sans miséricorde ! Que la miséricorde soit notre seul moyen !

Alors, avec Marie, nous pourrons aussi chanter :

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

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1 Ces dix étapes m’ont été inspirées par Chiara Lubich, Marie, transparence de Dieu, Nouvelle Cité, 2003. 

 

Dossier sur la miséricorde

 


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