« Tout l’univers est un Évangile vivant »- l’écologie a besoin d’une mystique

Marcher dans les Dolomites 

Pour Chiara Lubich, fondatrice des Focolari, la nature n’est pas un décor neutre mais une parole de Dieu à ciel ouvert. Sans traiter directement de l’écologie dans le Paradis de 1949, texte mystique fondateur, elle offre pourtant une clé puissante : apprendre à voir le monde avec le regard d’amour du Père. Cette « spiritualité de l’unité » transforme notre rapport au créé et fonde une responsabilité écologique lucide et aimante. C’est cette vision, reçue au cœur des Dolomites, que j’ai mise récemment en lumière lors d’un congrès sur « l’écothéologie » à Héraklion (Crète) [1].

Un autre regard sur la nature

C’est dans la magnifique nature des montagnes des Dolomites que Chiara Lubich a fait une singulière expérience, précédée d’un temps intense de vie évangélique, où la Parole de Dieu était prise au sérieux et changeait la manière de penser et de vivre.
Ainsi, lorsqu’avec ses compagnes elle décida d’aller à la montagne pour se reposer, la conséquence de cette vie nourrie par la Parole fut que leur regard sur la nature avait changé :
« La nature qui nous entourait et les événements de ce jour-là, aucun de nous ne les oubliera. Tout était en fête… Dieu sous toutes choses changeait notre regard sur elles : elles étaient toutes liées entre elles par l’amour, toutes – pour ainsi dire – éprises l’une de l’autre. De sorte que, si le ruisseau se jetait dans le lac, c’était par amour. Si un pin se dressait à côté d’un autre, c’était par amour. »

La souffrance et la rédemption de la nature

Cette vision n’ignore pas la blessure du monde. Lubich parle d’une « nuit obscure » où le réel semble vidé de Dieu, comme un décor sans profondeur. Notre modernité, parfois, traverse une nuit culturelle : la technique dépasse l’éthique et le cœur se débranche de l’intelligence. La réponse n’est pas la fuite, mais la rencontre de « Jésus abandonné », où le vide est assumé et transfiguré.
Mais l’abandon de Jésus est un passage vers sa résurrection et sa présence continuelle parmi nous. Le feu que Chiara Lubich et ses compagnes percevaient en elles durant leur séjour dans les Dolomites, grâce à la Parole vécue, elles le percevaient aussi au milieu d’elles et dans toute la création. Ce feu, elles l’ont rapidement compris, c’est le Ressuscité.

La vision écologique de Chiara Lubich

Avant tout, pour Chiara Lubich, le chemin vers la formation d’une conscience écologique est l’amour. Cette vision écologique, implicite dans le Paradis de 1949, elle la développera par la suite. Pour elle, il faut acquérir le regard amoureux de Dieu sur toutes choses :
« Tout doit être traité avec l’amour du Père pour le Fils : un grand cœur et le sourire de Dieu sur les choses à travers notre regard. »
De même, l’écologie est un acte d’amour envers nos enfants et les enfants de nos enfants qui nous suivront :
« Retrouver une relation harmonieuse avec la nature est pour nous un acte d’amour envers l’humanité de demain. De la même façon que nous vivons pour les autres aujourd’hui, nous devons travailler pour nos frères qui viendront. »

Conclusion : « L’univers tout entier est un Évangile vivant. »

Par ces mots, Chiara Lubich nous ouvre les yeux sur la vérité la plus profonde de la création. Le monde n’est pas muet : il parle, il chante son Créateur.
Depuis le commencement, la Parole de Dieu nous dit que tout existe dans une communion divine d’amour.
Dans les Dolomites, Chiara Lubich a vu Dieu « sous toutes choses ». Elle a perçu la création comme embrasée par l’amour divin : chaque ruisseau, chaque pin, chaque rayon de lumière reliés entre eux par l’amour.
C’est la même intuition que saint François : une fraternité universelle née de la paternité de Dieu.
Mais la création souffre aussi. Elle gémit, comme le dit saint Paul, en attendant la rédemption. Chiara Lubich l’a vu également : dans Jésus abandonné, même la douleur de la création est prise en charge, guérie et transfigurée.
Le Christ ressuscité est le nouveau soleil qui brille au cœur de l’univers. Sa résurrection est l’aube d’une création renouvelée.
Vivre l’Évangile, c’est donc aimer le monde comme Dieu l’aime : avec tendresse, respect et gratitude.
Dans cette optique, l’écologie n’est pas une idéologie, mais un acte d’amour. Et lorsque l’amour devient notre façon de voir, nous découvrons la vérité cachée de toutes choses : « l’univers tout entier est un Évangile vivant. »
C’est ce qui motive notre responsabilité écologique au plus haut point. Vivons donc l’Évangile, toutes les paroles de Dieu, afin qu’« un feu spirituel brûle en nous » et que notre regard sur la nature se transforme en une célébration permanente.


[1] Symposium scientifique écologique et théologique de l’Académie patriarcale supérieure de Crète, du 8 au 9 octobre 2025. Son thème était : « Pour une société juste, participative et durable, fondée sur la responsabilité : l’écothéologie comme défi pour le christianisme œcuménique contemporain ». Mon texte, dont le présent article est un résumé, sera publié prochainement dans les Actes de ce Congrès. 

Pour d’autres articles sur le thème de ce symposium, voir ici : https://www.hoegger.org/article/eco-theologie


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