Coucher de soleil à Héraklion
Le congrès organisé par l’Académie patriarcale supérieure de Crète, à Héraklion les 8 et 9 octobre 2025, a confirmé que la sauvegarde de la création constitue désormais un domaine privilégié de convergence entre les confessions chrétiennes. Les professeures Angeliki Ziaka et Vasiliki Stathokosta ont montré, chacune selon sa perspective, que la réflexion écologique s’impose aujourd’hui comme un espace fécond du dialogue œcuménique.
Une seule création, plusieurs confessions
Face à l’urgence climatique, les Églises chrétiennes s’unissent pour défendre la création. Le Conseil œcuménique des Églises (COE), qui rassemble plus de 600 Églises dans le monde, participe activement à la COP 31 à Belém, au Brésil. Son programme Care for Creation and Justice for Community relie étroitement sauvegarde de la nature et justice sociale. Pour Angeliki Ziaka, « il ne s’agit pas seulement de sauver la planète, mais de restaurer la relation de l’homme avec Dieu, avec son prochain et avec la création ».
Chaque année, la Saison de la Création (du 1er septembre au 4 octobre) symbolise cette unité spirituelle. Née dans l’orthodoxie et reconnue par le pape François, elle rassemble catholiques, protestants et orthodoxes dans la prière et l’action pour la maison commune.
Justice climatique et responsabilité
La crise écologique révèle une profonde injustice : les plus pauvres subissent le plus fort impact alors qu’ils contribuent le moins au réchauffement. C’est pourquoi le COE plaide pour une « justice climatique » mondiale, en coopération avec d’autres traditions religieuses et institutions internationales.
Lors de la COP 29 à Bakou, le métropolite Iakovos d’Aréthousa a appelé à une « conversion écologique » : transformer le cœur avant de transformer les pratiques. Cette vision, partagée par le pape François dans l’encyclique Laudato si’, inspire un dialogue interconfessionnel croissant.
Le COE s’engage aussi auprès des jeunes à travers le programme Engagement des Eglises en faveur des enfants, qui offre des outils éducatifs et juridiques pour agir en faveur du climat. Cette publication lie ainsi écologie, droits humains et dignité des plus vulnérables.
Les racines spirituelles de la crise écologique
Pour Vasiliki Stathokosta, la crise écologique plonge ses racines dans la rupture entre l’homme et Dieu. En cherchant à dominer la nature, l’homme a oublié qu’il en est le gardien, non le maître. Basile le Grand le rappelait déjà : « Nos champs se dessèchent parce que l’amour s’est éteint entre nous. »
La cause première de la crise écologique est donc spirituelle : avidité, désir de puissance, oubli de la gratitude. « L’écothéologie », née du dialogue œcuménique contemporain, veut restaurer la dimension cosmique de la foi chrétienne. Toute la création est un don de Dieu, confié à l’homme pour être protégée dans un esprit de gratitude. Comme le souligne Stathokosta, « l’écologie chrétienne n’est pas un programme politique, mais une prophétie de réconciliation entre l’humanité et la nature, entre justice et grâce ».
Vers une écothéologie œcuménique
Depuis plusieurs décennies, le COE et la Conférence des Églises européennes intègrent l’écologie dans leur réflexion théologique et sociale. La Charte œcuménique européenne appelle aux valeurs de paix, de justice et d’intégrité de la création, reposant sur trois piliers : la conversion du cœur (metanoia), la recherche de la justice et la paix.
L’Église orthodoxe ajoute un quatrième : la sobriété. Le patriarche Bartholomée, surnommé « le patriarche vert », appelle à un style de vie ascétique et modéré. Pour lui, « détruire le monde créé, c’est pécher contre Dieu ».
L’écothéologie œcuménique est aussi une pédagogie spirituelle. La liturgie, où la nature participe à la louange divine, devient une école de réconciliation avec la nature. L’eau du baptême, le pain et le vin de l’eucharistie rappellent que la création est appelée à être transfigurée.
Une foi qui unit, une espérance qui agit, un amour qui prend soin.
Malgré leurs divisions, les Églises découvrent dans l’écologie un espace d’unité et de coopération. La sauvegarde de la création dépasse les frontières confessionnelles et religieuses. Le COE multiplie aussi les partenariats avec des scientifiques et des institutions publiques pour promouvoir des solutions concrètes et durables.
Ainsi, l’écologie devient un lieu de témoignage commun : une foi vécue dans la responsabilité et la solidarité. L’écologie n’est plus un thème secondaire, mais un signe des temps. Par leur engagement commun, les Églises affirment que la justice, la paix et la sobriété sont inséparables de la foi chrétienne.
Dans un monde marqué par la fragmentation et la peur, elles témoignent d’une foi qui relie, d’une espérance qui agit, et d’un amour qui prend soin de la terre comme du cœur de l’homme.
Pour d’autres articles sur le thème de ce symposium, voir ici: https://www.hoegger.org/article/eco-theologie
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