Premier septembre, fête de la Création : prier, croire, vivre

Héraklion, 9 octobre 2025. Deux conférences du symposium sur la théologie de l’écologie de l’Académie patriarcale de Crète ont éclairé la portée spirituelle et œcuménique du 1er septembre, début de l’année ecclésiastique et Journée de prière pour la création : Emmanuel Doundoulakis explore l’office orthodoxe et sa théologie ; Tomas Insua retrace l’histoire et plaide pour une adoption plus large de la fête dans toutes les Églises.

Le sens du commencement  

Instituée par le Patriarcat de Constantinople en 1989, la prière du premier septembre s’ouvre sur le sens du commencement : début de l’année liturgique, mémoire biblique des origines, appel à renouveler l’alliance avec Dieu. Emmanuel Doundoulakis, professeur à l’Académie patriarcale de Crète, relève que l’Office de prière du lever du jour (« l’Orthros ») met en scène cette dynamique fondatrice : l’univers ordonné par Dieu, gardé dans l’harmonie, devient la mesure de la louange et de la responsabilité humaines. Le 1er septembre n’est pas un « jour de la nature » parmi d’autres : il célèbre le Dieu créateur et la vocation de l’homme à garder la maison commune.

La structure d’une prière qui éduque le cœur


L’office se laisse lire à plusieurs niveaux : structure, esthétique, références scripturaires et patristiques. Sa morphologie liturgique conduit de l’action de grâce à l’intercession, puis à la conversion. Les hymnes, d’une grande tenue littéraire, tressent vocabulaire classique et langage ecclésial. Cette beauté n’est pas un ornement : elle est une pédagogie spirituelle. Elle apprend à voir le monde comme un don et non comme un objet, à unir ascèse et action de grâce.

La blessure et la limite : une écologie spirituelle


L’office ne masque pas la blessure : la chute entraîne la création dans la corruption, et nos passions « troublent l’atmosphère ». La crise écologique est d’abord crise du cœur ; la guérison du monde suppose la conversion de l’être humain. En même temps, une limite est posée à la puissance : la prière implore le Christ de détourner les fléaux et de nous renforcer, matériellement et spirituellement, afin que l’équilibre intérieur se traduise en soin du vivant.

Prier, croire et vivre

Tomas Insua, directeur du Centre Laudato Si’ à Assise, ouvre la perspective œcuménique : ce que l’Église prie façonne ce qu’elle croit, et ce qu’elle croit modèle la vie, selon l’adage Lex orandi, lex credendi, lex vivendi. Or, si de riches débats ont porté sur la doctrine de la création et ses implications éthiques, la dimension liturgique demeure souvent minimisée en Occident. La tradition orthodoxe, nourrie par Jean Zizioulas et d’autres, a lié l’action de grâce à la création ; c’est là un trésor à partager, car la liturgie convertit en profondeur les mentalités.

Du Phanar à Assise : une histoire commune à écrire


Insua retrace l’histoire récente : l’encyclique du patriarche Dimitrios (1989), l’office de 1990, la reconnaissance panorthodoxe (1992), puis l’élan œcuménique avec la Saison de la Création, du 1er septembre au 4 octobre. En 2015, l’Église catholique inscrit elle aussi cette journée dans son calendrier. Aujourd’hui, des rencontres internationales – souvent à Assise – rassemblent les familles ecclésiales autour d’une proposition : faire du 1erseptembre une véritable fête de la Création dans toutes les traditions.

Célébrer le Créateur et le créé


Pour expliquer la portée de la fête, Insua distingue l’acte divin (la Création) et son fruit (le monde créé). Célébrer le 1er septembre, c’est tenir ensemble ces deux dimensions : rendre gloire au Dieu qui « au commencement » appelle tout à l’être, et honorer le créé comme lieu où sa bonté se donne. De là, une conséquence pastorale : la fête n’est pas un supplément « vert », mais l’expression d’une christologie où « tout fut par le Christ ».

Des propositions pour avancer


Deux documents récents y invitent : une proposition catholique intitulée « La Fête de la Création dans le Christ », affirmant l’enracinement christologique de la célébration ; un rapport interconfessionnel, « Un rêve œcuménique pour le troisième millénaire », esquissant convergences liturgiques et pédagogiques. Côté orthodoxe, Insua suggère d’accentuer encore les thèmes de la création le 1er septembre et, pourquoi pas, d’élever la fête parmi les autres fêtes du calendrier, afin de signifier son enjeu spirituel.

Conclusion : prier pour apprendre à vivre dans la création


Des analyses de Doundoulakis et d’Insua, une conviction se dégage : la fête de la Création est un chemin. Elle conduit de la contemplation à la conversion, de la louange à la justice, de l’esthétique liturgique à l’éthique de vie. Elle appelle des gestes concrets – sobriété, protection des plus vulnérables, garde responsable des biens communs – nourris par la prière de l’Église tout entière.

Adopter ensemble le 1er septembre, c’est consentir à un commencement : celui d’une vie réconciliée avec Dieu, avec la terre et avec nos sœurs et frères.

Pour d’autres articles sur le thème de ce symposium, voir ici : https://www.hoegger.org/article/eco-theologie


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