Regarder sans voir – écouter sans comprendre

Voici un des passages les plus difficiles des évangiles. On dirait que Jésus fait exprès pour ne pas être compris de ses auditeurs !

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Pourquoi parles-tu en paraboles, demandent les disciples à Jésus ? Je leur parle en paraboles parce qu’en voyant ils ne voient pas, en qu’en entendant ils n’entendent pas »…« Heureux vos yeux parce qu’ils voient et vos oreilles parce qu’elles entendent » (Mt 13,13,16) répond Jésus.

Mais est-ce une bonne interprétation ? Jésus est-il venu pour aveugler ou pour éclairer le monde ?

Pour répondre à cette question, il faut en poser une autres : Qu’est ce qu’une parabole ?

La parabole est une manière imagée de parler. Une comparaison. Elle est une sorte de clair-obscur. A un moment donné il y a une chose étonnante, curieuse, pour nous faire comprendre qu’avec Jésus le Royaume de Dieu est arrivé et qu’il vaut la peine de changer sa vie pour le mettre en premier.

Par exemple : un homme vend tout ce qu’il a pour acheter une magnifique perle au marché ; une femme se réjouit parce qu’elle a retrouvé 50 centimes qu’elle avait perdus dans sa chambre et elle invite tous ses amis pour se réjouir avec elle ; un maître prépare un banquet mais ses invités s’excusent tous, alors il va dans les rues inviter les pauvres et les boiteux.

Une parabole suscite la curiosité, donc la recherche. Elle veut provoquer l’étonnement, la réflexion, donc l’écoute chez les personnes.

 

Ils ne comprennent pas !

Mais, justement, tout le monde n’écoute pas vraiment. La Parabole du Semeur l’expliquait déjà : beaucoup entendent la Parole, mais ils ne la laissent pas prendre racine en eux.  Jésus confirme ici cela d’une autre façon.

Certains ferment volontairement leurs yeux et leurs oreilles : “…ils regardent sans regarder et…ils entendent sans entendre ni comprendre” (Mt 13,13).

Ils voient Jésus et l’écoutent, mais, pensant déjà connaître toute la vérité, ils ne croient ni à ses paroles ni aux actes qui les confirment.  

Ces paroles dures de Jésus veulent, à mon sens, nous faire réfléchir.

J’ai à me poser cette question : suis-je parmi ceux qui écoutent, ou parmi ceux qui se bouchent les oreilles ? Ou qui croient savoir et méprisent les autres.

Jésus a été confronté à ce refus de l’écoute de la part de beaucoup de personnes.

Paul aussi : il parlait du mystère de l’endurcissement de son peuple.

Aujourd’hui aussi nous pouvons être confrontés à des refus d’écoute.

Une personne avec qui j’ai eu un échange épistolaire sur un thème controversé m’a écrit : « Je connais parfaitement votre position…et vous ne savez pas de quoi vous parlez ». Difficile d’avoir un dialogue avec une telle attitude.

Avez-vous déjà rencontré des gens qui sont sûr d’avoir raison s’obstinent dans leur voie. Rien ni personne ne pourrait les faire changer d’avis.

C’est ce que j’appelle l’attitude schismatique : « J’ai raison et tu as tort ». Avec cette attitude, je me coupe des autres, ce que signifie le mot « schisme ».

En revanche l’attitude symphonique dit : « Je reconnais que tu as tes raisons et que j’ai mes torts ». Dans une symphonie, les instruments ont besoin les uns des autres. L’attitude symphonique reconnaît qu’il y a une part de vérité en chacun et que nous avons besoin les uns des autres pour discerner ce qu’est la volonté de Dieu.

 

L’annonce de la Parole au centre du ministère de Jésus

Positivement dans ce texte, Jésus nous invite à ouvrir notre cœur à l’annonce de sa Parole.

L’annonce de cette Parole est au centre de tous les désirs et de toute l’activité de Jésus.

Nous le voyons se rendre de village en village, sur les places, dans les campagnes, dans les maisons, dans les synagogues, pour annoncer le message du salut.

Il s’adresse à tous, mais surtout aux pauvres, aux humbles, aux laissés pour compte.

Il compare sa Parole à la lumière, au sel, au levain, à un filet qu’on jette dans la mer, à la graine que l’on sème ; et il donnera sa vie pour que se propage le feu que contient la Parole.[1

 

Ecoute avec le coeur !

En nous disant qu’il est possible de regarder sans voir et d’écouter sans comprendre, Jésus souligne l’importance de l’écoute. A la fin de la Parabole du Semeur qui précède notre texte, il dit : « Que celui qui a des oreilles entende » ! (13,9,43).

Il faut non seulement entendre, mais aussi écouter, puis comprendre. Or le sens littéral du mot comprendre signifie « prendre avec ». Il faut prendre avec soi la Parole, vivre avec elle, penser avec elle, prier avec elle, rêver avec elle, agir avec elle.

Autre manière de dire que la vie chrétienne est la vie avec le Christ, qui est le Verbe, la Parole!

L’Evangile est une musique écrite, mais nous devons la chanter par notre vie.

Tout dans l’Eglise doit se baser sur l’écoute de l’Evangile.

Une communauté dans l’Eglise, qu’elle soit monastique ou diaconale ne peut s’enraciner que dans la Parole de Dieu. C’est l’écoute de l’Evangile qui a conduit Louis Germond à fonder une communauté des diaconesses, il y a 180 ans, qui prendra le nom de « Saint Loup ».

Il avait pris au sérieux la Parole de Dieu que le « Réveil » avait remise au centre de la vie de l’Eglise. Mais c’était déjà le cas pour les premières fondations communautaires.

Un des premiers noms donné à la vie monastique est « la vie évangélique », parce qu’elle se base sur l’Evangile. La règle de chaque forme de vie consacrée est l’Evangile.  

La Règle de S. Benoît, que l’Église catholique fête aujourd’hui, le 11 juillet, commence par « Ecoute, mon fils ». Elle est, d’un bout à l’autre, une invitation à se mettre à l’école de l’Evangile.

Les moines « ruminaient » les Ecritures. Pacôme, qui a écrit la première Règle, appelle à « méditer les paroles de Dieu à chaque moment ».

La seule source des règles des communautés est l’Evangile : « il est la règle primordiale de laquelle dérivent toutes les autres », affirmait Etienne de Muret au 12e siècle.

La règle de François d’Assise est « la vie de l’Evangile de Jésus-Christ » et pour Claire d’Assise le style de vie des pauvres sœurs est de vivre l’Evangile de Jésus-Christ « sine glossa » (sans glose).

Et Jean Calvin écrivait ce principe fondamental : « Le premier point de la chrétienté, c’est que l’Ecriture sainte est toute notre sagesse, et qu’il nous faut écouter Dieu qui parle là, sans y rien ajouter ».

Aujourd’hui tout renouveau dans l’Eglise ou dans la vie communautaire ne peut avoir lieu que si l’on prend au sérieux l’Evangile, que si on l’écoute de manière renouvelée, radicale.

 

Ecoute et porte du fruit !

Il faut donc recommencer toujours et chaque jour avec l’Evangile.

Recommencer est un des plus beaux mots de la vie chrétienne.

Mais il ne suffit pas d’écouter et de comprendre l’Evangile.

Il faut le vivre et le laisser nous transformer.

En effet, après avoir annoncé la Parole, Jésus s’attend à une transformation.

Il s’étonne de nos lenteurs et de nos tiédeurs. Il s’attriste que ce don reste improductif.  

Jésus réaffirme alors l’une des lois fondamentales de la vie chrétienne :  “À celui qui a, il sera donné, et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré.”

Cette parole déconcertante choque notre égalitarisme. Mais c’est tout simplement ce que vient de montrer la parabole du Semeur : à celui qui donne une bonne terre à la semence, une surabondance est promise. La semence donne des épis de blé avec 30, 60 ou même 100 grains.

Mais qui étouffe la semence ou la fait griller au soleil, perd tout et se retrouve les mains vides. 

Si quelqu’un met sa Parole en pratique, Jésus le fera participer de plus en plus aux richesses et aux joies du royaume de Dieu ; alors que si quelqu’un néglige cette Parole, Jésus la lui enlèvera et la confiera à d’autres pour qu’elle porte du fruit.

La grâce est offerte à tous. Elle est cette semence généreusement semée sur tous les terrains. Mais certains la perdent. Ce n’est pas la faute ni du semeur, ni de la semence, mais du terrain.

 

Conclusion

Cette page d’Evangile nous met donc en garde contre la tendance que nous pouvons avoir et qui est assez courante chez nous : considérer l’Évangile seulement comme un objet d’étude, d’admiration ou de discussion, sans le mettre en pratique.

Jésus s’attend à ce que nous sachions accueillir sa Parole et que nous la vivions.

Laissons-la devenir cette force qui pénètre toutes nos activités !

Ainsi, sa Parole sera cette lumière, ce sel, ce levain, qui peu à peu transforme la société

 

Une prière

Seigneur, tant de personnes n’accueillent pas ta parole

Et ferment leurs yeux et leurs oreilles.

Elles entendent sans comprendre,

Elles regardent sans voir.

Aujourd’hui comme il y a 2000 ans,

Tu vas par monts et vaux, de villes en villages

Pour inviter chacun à ouvrir son cœur à ta parole.

Elle est lumière, sel, levain, filet jeté dans la mer.

Elle est graine semée, perle précieuse, trésor caché. 

Cette parole, c’est ta vie aimante et donnée.

 

Que le feu qu’elle contient transforme mon cœur !

Seigneur, moi aussi j’entends souvent sans comprendre.

Pardonne mes lenteurs à la mettre en pratique,

Mes négligences, mes tiédeurs et mes indifférences.

Qui retardent ton désir de me partager tes richesses.

Durant ce moment de silence,

Donne-moi d’accueillir ta parole avec attention

De la garder à l’esprit à chaque instant

Et de la mettre en premier dans toutes mes actions,

Pour qu’elle soit ma force, ma joie, ma vie. 

1 L’idée de ce paragraphe est repris de la « Parole de Vie » du mois de juillet 2012. Voir http://paroledevie.free.fr/adultes/index.php?date0=1207


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