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Des relations nouvelles (Ephésiens 2,15-22)

La vie sociale est sans cesse caractérisée par des tensions, des oppositions des divisions. Elles peuvent conduire à des révolutions violentes, à des guerres fratricides et à des génocides.

Dans ce grand texte, l’apôtre Paul établit le diagnostic sur cette condition tragique de l’humanité. Elle provient de notre aliénation. Mais il n’en reste pas à ce constat et montre le chemin vers des relations nouvelles.

 Commençons cette lectio divina par cette prière :

En toi nous ne sommes plus loin,

mais nous sommes devenus proches.

 

En toi nous ne sommes plus séparés par un mur,

mais nous franchissons tous les obstacles.

 

En toi nous ne sommes plus divisés par le mensonge,

mais nous sommes unis par ta vérité.

 

En toi nous ne sommes plus blessés par l’hostilité,

mais nous vivons en paix.

 

En toi nous ne sommes plus étrangers,

mais nous nous appartenons les uns aux autres.

 

En toi nous ne sommes plus exilés,

mais nous devenons concitoyens.

 

En toi nous ne sommes plus vagabonds,

mais nous habitons la même maison.

 

En toi nous ne sommes plus sans Dieu,

mais nous avons accès ensemble au Père.

 

En toi nous ne sommes plus sans espérance,

mais nous sommes habités par un même Esprit.

 

En toi nous ne sommes plus deux,

mais nous sommes un.

 

Au début de ce chapitre, Paul parle d’une double aliénation : l’aliénation vis-à-vis de Dieu et celle vis-à-vis de nos semblables.

 

  • L’aliénation vis à vis de Dieu (v. 1-10)

Paul commence par dire aux Ephésiens « vous étiez spirituellement morts » (2,1) – « Étrangers à la vie de Dieu » (4,18), résumant ainsi de manière saisissante et radicale la condition des païens.

Ceux-ci sont sans Christ, sans patrie, sans amis, sans espoir et sans Dieu. Ils étaient « loin » (v. 13), étrangers à Dieu et à son peuple.

Il faut toujours se souvenir de ce que nous étions avant que Dieu nous cherche et nous trouve. Souvenez-vous ! dit Paul (v. 11)

 

  • L’aliénation vis à vis de nos semblables (v. 11-22)

Une grande hostilité régnait entre juifs et païens. Le mur de séparation du temple la symbolisait : il n’était pas permis à un païen d’y entrer, sous peine de mort. Il devait rester sur le parvis des païens.

L’esprit de division est une caractéristique constante de toute communauté sans Christ. Il érige des murs.

Jésus a détruit ces deux inimitiés : il nous réconcilie avec Dieu et les uns avec les autres. Il détruit le mur de séparation, l’inimitié, la haine. Il crée une société nouvelle, réconciliée.

Ce tableau de mon ami le peintre japonais Soichi Watanabe l’exprime bien. Il m’en avait envoyé une photo après avoir reçu les divers comptes rendus de ma participation à la semaine de prière pour l’unité des chrétiens à Jérusalem, l’année dernière en 2016.

C’était dans le cadre des « Montées de Jérusalem », où nous avions prié avec les Eglises de la vieille ville et également avec des juifs qui reconnaissent la messianité de Jésus.

Il me disait sa joie : ce que nous avons vécu correspondait exactement à ce qu’il voulait exprimer dans ce tableau, à partir d’une méditation de ce même texte de la lettre aux Ephésiens.

« J’ai peint ce tableau en méditant sur la réconciliation. Et voici que tes envois ont confirmé mon inspiration », m’écrivait-il. Il a voulu représenter Jésus, la pierre angulaire réconciliant par sa croix juifs et non juifs, mais aussi toutes les personnes divisées de notre monde.

Pour vivre ensemble dans l’unité, il faut sans cesse regarder au Christ crucifié, la pierre angulaire, ou la pierre de faîte.

Mais le Crucifié est aussi ressuscité : la couleur jaune exprime la lumière de sa résurrection.

C’est en lui que s’édifie l’Eglise représentée par les pierres.

Le bleu qui entoure l’édifice symbolise l’Esprit saint qui porte l’Eglise, habitation de Dieu, corps du Christ, maison de l’Esprit.

 

A. Le Christ, artisan de paix entre juifs et non juifs

Selon l’Ancien Testament, Israël est le peuple proche de Dieu (Ps 148,14 ; Dt 4,7), alors que les peuples païens sont lointains (Es 49,1).

Mais Paul annonce que Dieu a promis qu’un jour viendrait où il annoncerait « paix à vous qui étiez loin et paix à ceux qui étaient proches » (v. 17 ; Es 57,19). Cette promesse s’est réalisée en Christ.

Par lui nous avons un accès direct, immédiat auprès du Père

Par sa mort sur la croix, le Christ nous a réconciliés avec Dieu et les uns avec les autres. Il détruit le mur qui séparait juifs de non juifs.

De manière dramatique, quelques années après la rédaction de cette lettre, les murs du Temple qui symbolisent le plus cette séparation entre juifs et non juifs seront détruits…Il ne restera plus que le « Kotel ».

 

1. L’abrogation des lois cérémonielles (15a)

Alors que dans le Sermon sur la montagne le Christ parlait de la loi morale qui ne peut être abolie, Paul pense ici en premier à l’aspect cérémoniel de la loi, avec, entre autres, la circoncision, les sacrifices, les lois alimentaires… Ces règles qui avaient élevés une barrière infranchissable entre juifs et païens, sont abolies.

Christ a aboli aussi la loi morale en tant que moyen de salut. Par sa vie Jesus a parfaitement satisfait à ses exigences. Dans sa mort il porté les conséquences de notre désobéissance. Il a pris sur lui la « malédiction de la loi ».

La loi dressait une barrière entre nous, mais la foi nous unit puisque tous nous nous approchons de Dieu de la même manière, par Christ.

 

2. La formation de l’Homme nouveau (15b)

L’Homme nouveau représente la communauté chrétienne envisagée en tant que Corps du Christ. Cette humanité nouvelle se réalise et se développe uniquement par l’union personnelle au Christ.

Cette nouvelle unité par le Christ et en lui ne se limite pas à combler le fossé entre juifs et païens. Ailleurs Paul l’applique à toutes les autres divisions sociales. (Col 3,11 ; Gal 3,28)

Cette unité en Christ n’efface pas la diversité voulue par Dieu, mais l’inégalité devant Dieu

 

3. La réconciliation entre juifs et païens (16)

Le Christ a réconcilié cette humanité nouvelle avec Dieu en faisant mourir par la Croix toute inimitié entre Dieu et nous. Par sa crucifixion, le Christ a engendré une race humaine nouvelle et unie, non seulement en elle-même mais aussi avec son créateur.

Mais cela ne signifie pas que toute la race humaine soit désormais unie et réconciliée. L’observation et l’expérience montrent en effet qu’elle ne l’est pas.

Christ est venu annoncer la paix. « La paix soit avec vous », dit-il au matin de Pâques ( Jean 20,19).

C’est par la proclamation de l’Evangile de la paix par les apôtres et les générations subséquentes de chrétiens que Jésus continue d’annoncer aujourd’hui la paix au monde (Ac 10,36).

C’est lorsque les cœurs s’ouvrent à la foi en Christ que cette paix devient effective. Avec Dieu et entre nous. C’est pourquoi les apôtres appellent sans cesse à la foi : « Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu » (1 Cor 5,21)

 

4. L’accès auprès du Père (v. 18)

Le mot « accès » (prosagôgê) évoque l’instant où, en réponse à l’audience sollicitée, le sujet d’un roi est introduit dans sa présence.

Or, nous avons accès non auprès d’un roi, mais auprès d’un Père duquel nous nous approchons en toute liberté et confiance (3,12).

Les uns et les autres : juifs et païens. Nous avons le privilège d’avoir accès auprès du Père, par le Fils et dans l’Esprit. Autrement dit cet accès qui implique la Trinité tout entière représente le summum de l’œuvre accomplie par le Christ comme artisan de paix.

 

B. Des relations nouvelles. (19-22)

Pour faire ressortir l’ampleur du changement intervenu dans notre situation et l’étendue de nos nouveaux privilèges en Christ, Paul s’appuie sur trois images de l’Eglise : le Royaume de Dieu, la famille de Dieu et le temple de Dieu.

 

1. Le Royaume de Dieu, 19a

Alors que les païens étaient privés du droit de cité en Israël, ils font partie maintenant d’un autre royaume : celui du Royaume de Dieu. Ils sont concitoyens des saints. Ils passent d’une vie sans racines sans Christ à la stabilité du sujet de la nouvelle société de Dieu.

 

2. La famille de Dieu, 19b

En Christ juifs et païens sont non seulement concitoyens du royaume de Dieu, mais aussi, et sur un pied d’égalité, enfants de sa famille. Ils sont adoptés dans la famille de Dieu (1,5). Dieu est Père de tous (3,14-15 ; 4,6).

La philadelphie, l’amour fraternel devrait être une constante de cette nouvelle société.

 

3. Le temple de Dieu, 20-22

Le temple avait constitué le point focal de l’identité d’Israël. Un nouveau peuple est apparu. Y aurait-il un nouveau temple ? Quel sera le centre d’unité ?

Voyons les différents éléments de ce temple spirituel :

Les fondations 

Les fondations de ce peuple sont l’enseignement des apôtres, témoins oculaires du Christ ressuscité et les prophètes inspirés de la nouvelle alliance (le fait que les prophètes viennent après les apôtres montre qu’il ne s’agit pas des prophètes de l’Ancien Testament).

L’Eglise est bâtie sur les enseignements du Nouveau Testament, documents constitutifs de l’Eglise. Le Nouveau Testament est inviolable. Il n’est plus question de lui ajouter ou retrancher quoi que ce soit. L’Eglise tient ferme ou s’écroule si elle s’appuie ou non sur lui.

La pierre d’angle : Jésus

La référence à Jésus est indispensable à l’unité et à la croissance de l’Eglise. A moins d’être constamment et solidement attachée à Christ, l’unité de l’Eglise se désintégrera et l’Eglise elle même cessera de grandir, ou bien elle se développera d’une manière désordonnée.

L’édifice

Vous aussi, vous êtes édifiés : le temple de Jérusalem était un édifice exclusivement juif, dont l’accès était formellement interdit à tous les païens. Mais désormais, les païens ne sont pas seulement admis à entrer ; ils sont eux mêmes des éléments du temple de Dieu.

L’habitation de Dieu

La vocation de ce nouveau temple est d’être une habitation de Dieu, comme l’ancien. Mais il n’est pas géographiquement localisé. C’est un édifice spirituel et une communauté internationale englobant juifs et non juifs. Dieu-Trinité vit dans chacun des membres pris individuellement et dans le peuple pris collectivement.

 

Conclusion

La nouvelle société fondée par Dieu n’est rien de moins qu’une nouvelle création, une nouvelle race humaine caractérisée non plus par l’aliénation, mais par la réconciliation, non par la division et l’inimitié, mais par l’unité et la paix. Dieu règne sur cette société, il l’aime et l’habite.

Qu’est ce qui empêche ou permet à cette vision de Paul de se réaliser dans notre communauté ?

Quels murs de séparation avons-nous bâti au cours des décennies ?


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