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Bergères et bergers dans le Bon Berger

Samedi et dimanche derniers j’ai eu la joie de participer à la retraite des Bergères de la communauté de Saint Loup. Cette année, ce mouvement a 20 ans. La fête de Saint Loup, le 24 septembre prochain le rappellera. Il a touché plus de 350 femmes de toute la Suisse romande. Actuellement une centaine participe aux rencontres mensuelles d’une journée ici à Saint Loup et dans une dizaine de groupes régionaux. Une vingtaine d’hommes, conjoints des bergères, dont votre serviteur, ont également participé à cette rencontre. Avec grand profit d’ailleurs !

Le thème de cette rencontre s’intitule « Etablies pour une saison nouvelle ». Il rejoint le thème d’une retraite avec les Foyers de l’unité reliés à la communauté de Taizé sur le changement, que j’ai animé de vendredi à ce dimanche.  

Nous sommes aujourd’hui le dimanche du « Bon Berger ». Le texte de l’Evangile de ce jour est celui où Jésus, le Berger suprême de l’Eglise, établit Pierre dans son ministère de berger – et à travers Pierre tous ceux et celles qu’il appelle à servir dans son Eglise.

J’aimerais donc faire un lien entre ce texte et la vocation des Bergères de Saint Loup et plus largement la vocation au ministère.

La vocation des « Bergères de Saint Loup »

Vocation à l’unité d’abord. La première conférence a été donnée par Sœur Elisabeth qui voit dans ce mouvement une « manifestation de l’unité dans la diversité du Corps du Christ », parce que les bergères viennent de toutes les Eglises protestantes de Suisse romande.

Puis une vocation à vivre la présence du Christ au milieu de son Eglise, à travers la foi et l’amour qui les unissent. Ce mouvement est comme un appel à aller au cœur de l’Evangile. Je cite encore S. Elisabeth : « Jésus est heureux au milieu des Bergères : il a trouvé en elles un peuple qui l’aime. A travers elles, il prépare son Epouse, l’Eglise, à vivre un plus grand amour nuptial ».   

Enfin une vocation au service, plus particulièrement à accompagner les personnes blessées. Les Bergères, comme Pierre, comme Paul, sont appelées à avoir un cœur sensible aux relations. Un cœur de berger, comme celui du Bon Berger. « Le cœur de berger de l’apôtre Paul », tel était le thème de la première année des Bergères de Saint Loup, avec des enseignements inoubliables de Philippe et Nancy Decorvet qui ont véritablement lancé le mouvement des Bergères et l’ont accompagné durant toutes ces années.

Bergères et bergers dans le Bon Berger

Pourquoi Paul et Pierre ont-ils eu un « cœur de berger » ? Parce que leur cœur était greffé sur celui de Jésus le bon Berger !

C’est Jésus qui est le modèle de tout berger, de toute bergère, de tout ministère dans l’Eglise.

Nous voyons dans ce texte où Jésus établit Pierre comme berger comment il s’y prend. Sa triple question « m’aimes-tu ? » rappelle à Pierre son triple reniement. Ce qui me touche est sa délicatesse extraordinaire envers Pierre. Il ne le confronte pas, ni ne lui fait de reproches.  

Jésus lui parle avec un tel amour que le cœur de Pierre ne pouvait qu’être conquis. C’est le ton qui fait la musique. Sur quel ton Jésus a-t-il posé ces questions ? Certainement pas sur un ton inquisiteur, de contrôle ou de reproche. Mais sur celui d’un Dieu dont la passion est la relation et qui se met à genoux pour attendre une réponse d’amour.

Le cœur du berger

Jésus est le Bon Berger qui connaît le cœur de Pierre. Celui-ci le reconnaît : « Seigneur, tu connais toutes choses. Tu sais bien que je t’aime ».  (21,17)

Jésus dit que les bons bergers connaissent leurs brebis et que les brebis les connaissent (Jean 10,14). L’important est une vraie réciprocité entre les bergers et leurs troupeaux. Les serviteurs de l’Eglise doivent connaître leurs brebis et leurs brebis doivent les connaître. Que règne entre eux une confiance et une ouverture réciproques !

On ne peut ni ne veut suivre des bergers dont on a peur. Et pour qu’ils exercent leur ministère, les bergers ont besoin de nos encouragements et de notre soutien.

Si Jésus s’appelle le Bon Berger, c’est pour montrer l’intimité qui doit exister entre les bergers et ceux qui leur sont confiés. Sans cette convivialité, l’autorité devient très vite contrôle, contrainte et même oppression.  

Cette intimité s’enracine avant tout dans une confiance dans le Christ. Les trois questions de Jésus à Pierre pour lui demander s’il l’aime sont là pour enfoncer à jamais ce clou dans la conscience de chaque berger ou bergère. Leur premier amour doit être le Christ. Un amour à renouveler chaque jour par une vie de prière intense et toujours à perfectionner.

M’aimes-tu plus que les autres ?

Plus les responsabilités sont grandes dans l’Eglise, plus l’amour doit être intense. Ceux qui exercent les plus grandes responsabilités sont appelés à aimer le Christ plus que les autres et à les entrainer dans la prière.

Jésus demande à Pierre : «M’aimes-tu plus que les autres » ? Il faut prier pour les personnes qui exercent une responsabilité afin qu’elles soient animée d’un amour intense pour le Christ et son Corps, l’Eglise.

La semaine dernière j’ai visité le président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, Gottfried Locher, afin de lui présenter le nouveau Rassemblement pour un renouveau réformé. Avec mon ami Shafique Keshavjee nous avons commencé la rencontre par une prière dans l’oratoire. G. Locher nous a expliqué que la première chose qu’il a faite en arrivant dans son bureau a été de le transformer en oratoire. Il n’avait pas besoin d’un aussi grand bureau. Il voulait donner un signe que le plus important dans l’Eglise est de mettre en tout le Christ au centre.  

C’est après un repas que Jésus établit Pierre dans son ministère de berger. Or ce repas, où il est dit que « Jésus prend le pain et le donne » rappelle celui de la sainte cène (Jean 21,13).

L’eucharistie est à la fois la source et le sommet de la vie de l’Eglise. Aucun ministère ne peut s’exercer en dehors de la sainte communion, où Jésus, notre frère appelle le berger ou la bergère à partager son humilité, son amour du Père et sa passion pour les blessés de la vie, pour l’unité de son Corps et pour la sainteté de son Epouse.

Suis-moi !

Après l’avoir établi comme berger, Jésus dit à Pierre « suis-moi ! » Une saison nouvelle s’ouvre alors pour lui. Suivre Jésus signifiera pour Pierre une aventure extraordinaire, avec l’ouverture de l’alliance avec Israël aux autres peuples. Il vivra tant des percées de l’Evangile mais aussi des résistances et des persécutions.

Jésus lui annonce encore la dernière saison de son pèlerinage, celle où « il étendra les bras », sa crucifixion par laquelle il glorifiera son maître. 

A nous aussi, après chaque participation à la sainte cène, Jésus nous dit la même chose : « Suis-moi » ! Sainte cène après sainte cène, il nous établit en lui pour le suivre et pour vivre tout changement en Lui.

Il est intéressant de noter que le mot hébreu pour établir signifie visiter. Dieu nous établit en nous visitant. A chaque sainte cène, Dieu nous visite. Il nous établit dans sa nouveauté. Suis-je prêt à être bousculé? Suis-je ouvert à une visite de Dieu? 

Faire un premier pas

Jésus dit à Pierre « suis-moi » ! Il nous le redit aussi à chaque sainte cène. Il nous le dit maintenant que nous la célébrons.

Mais comment le suivre ? C’est le premier pas qui compte. En marchant sur la lune, Neil Armstrong avait dit : “C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’humanité”.

Durant la retraite avec les Foyers de l’unité nous avons vu comment des hommes et des femmes de l’Evangile ont fait des pas décisifs (ou n’ont pas encore été prêts de les faire) : Zachée, l’homme riche, Paul, Pierre, la veuve importune.

Chaque jour nous pouvons faire un petit pas vers les autres. C’est le premier pas, positif et constructif, qui compte. Le rêve d’un monde de justice et de paix juste donne une raison d’agir. Mais cela commence par des petits premiers pas vers les autres dans tous les domaines et toutes les activités. 

Une personne qui a beaucoup réfléchi sur le changement a été Frank Buchmann, le fondateur du « Réarmement moral » (aujourd’hui « Initiative et changement »). La semaine dernière j’ai participé à une petite cérémonie à Montreux à l’occasion des 70 ans du Centre de rencontre de Caux que Buchmann avait fondé.

Il était convaincu que celui qui veut changer le monde doit commencer à se changer soi-même. « Nous sommes les acteurs du changement que nous désirons ». disait-il.  

Zachée, Pierre, Paul ont changé la face du monde car ils se sont changés eux-mêmes, après que le Christ les ait relevés. Le sens de leur vie était désormais de vivre devant lui.

Ils se sont changés eux-mêmes et ont entraîné tant d’autres à changer. Pour faire le premier pas, nous avons besoin de l’exemple des autres. Il faut se mettre avec d’autres qui sont debout au nom du Christ et font des pas vers les autres.

Lors de la rencontre des Bergères de Saint Loup, le pasteur Thierry Juvet a insisté sur l’importance de la communauté : « Si l’on veut passer à une saison nouvelle, il faut soigner le corps du Christ. Le commandement de Jésus est de nous aimer les uns les autres. Contrôler l’action de Dieu révèle de la crainte. Le contrôle est le signe que l’on n’est pas établi dans l’amour. L’amour chasse toute crainte. Chaque fois qu’on contrôle on désétablit. »

L’Eglise c’est une communauté de personnes, qui s’entraident à se changer eux-mêmes, par la grâce du  Christ dans la force de l’Esprit saint. C’est une société de gens qui se visitent et qui imitent Zachée, Pierre et Paul, eux-mêmes imitateurs du Christ qui les a visités.

Le Christ nous établit pour une saison nouvelle. Soyons bergères et bergers les uns pour les autres ! Prenons soin les uns des autres ! Faisons un premier pas, un petit pas vers les autres ! Faisons-le ensemble, car marcher à plusieurs est plus facile !


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