charles henri Brent

L’art du dialogue selon Charles Henri Brent

Charles Henri Brent, premier président de Foi et Constitution à Lausanne, en 1927Quelles attitudes favorisent un climat spirituel qui conduit à faire l’expérience de l’unité ? Charles Henri Brent, le premier président de Foi et Constitution a réfléchi à cette question. On trouve dans « l’appel à l’unité », prêché dans la cathédrale de Lausanne, et dans les Actes de la Conférence (1927) quelques indices sur sa manière de dialoguer.

 Tout d’abord, il fait dans son sermon une longue digression sur le fait qu’une « Conférence » n’est pas une « Controverse ». En opposant ces deux manières de discuter – dans le lieu même où la « Dispute de Lausanne » décida de l’avenir de l’Eglise dans le pays de Vaud en 1536, Brent indique l’esprit qui doit présider aux rencontres :

«Une conférence est un instrument de paix, une controverse, une arme de guerre. L’une porte à s’humilier, l’autre à s’exalter. Dans une conférence, on s’efforce, en toute modestie, de comprendre les vues des autres ; dans une controverse, on impose ses vues à tout venant. Une conférence recherche l’unité, une controverse exagère les différences. L’une est une méthode de coopération pour résoudre les conflits, l’autre, une méthode de division ». Quels sont les autres aspects de cet « esprit de la conférence» , que certains appelleront « l’esprit de Lausanne » ? [1]

 

Se placer consciemment devant Dieu durant le dialogue.

Se « placer, indépendamment de la prière, dans une situation loyale vis-à-vis de Dieu… s’il en est ainsi, le résultat de nos délibérations sera d’une grande portée et l’Eglise continuera sa route avec un nouvel espoir… »

Considérer chacun dans un esprit filial et fraternel

« Considérons tous les chrétiens, de quelque nom qu’ils se nomment, comme des frères aimés »…« Le jour où tous les chrétiens reconnaîtront Dieu comme le Père et regarderont aux autres hommes comme à des frères en Christ, la famille de Dieu sera complète, Eglise glorieuse, sans tache ni ride ».

Vivre la « règle d’or »

« (Le Christ) nous demande de réduire au silence nos préjugés, de ne pas nous attacher trop étroitement à nos opinions, d’envisager celles des autres comme s’il s’agissait des nôtres, et tout cela sans estimer moins les convictions de notre cœur, ou notre loyauté à l’égard de Dieu ».

Etre prêt à changer d’opinion.

« J’ai sur bien des sujets des convictions aussi fortes que vous pouvez en avoir, mais je désire me débarrasser de mes préjugés et de mes ignorances. C’est pourquoi nous devons, plus que nous l’avons peut-être jamais fait, nous engager au service de Dieu et remettre nos esprits, nos jugements et nos cœurs entre Ses mains, afin qu’il nous conduise où il le désire. Je n’ai pas de honte à changer d’opinion. Je n’aurai pas de honte à reconnaître qu’une opinion qui est mienne actuellement est fausse si Dieu me dit qu’elle est fausse ».

Accueillir avec bienveillance les opinions contraires.

Durant la conférence de Lausanne, un des moments les plus tendus fut la déclaration de la position de l’Eglise orthodoxe, transmise par Mgr Germanos, concernant la question des ministères dans la succession apostolique. En guise de réponse, Brent félicite ses frères orthodoxes de leur franchise, reconnaissant la difficulté de prendre la position qu’ils ont prise. Mais il espère également « qu’ils étudieront les opinions contraire aux leurs, avec la même attention et la même absence de préjugés que les autres membres de la Conférence ont mis à étudier leurs propres convictions ».

Apprendre à perdre pour gagner l’unité.

« Plutôt que de continuer sur la voie d’un christianisme conventionnel, je courrai le risque de perdre quelques unes de nos caractéristiques distinctives pour essayer de gagner l’unité que notre Seigneur a voulue pour son Eglise ».

Enfin une grande vertu de l’oecuménisme est la patience. Mais faudra-t-il attendre des siècles, comme Brent l’écrit dans un de ses livres ?

La mise en pratique de ces différents points de « l’esprit de Lausanne » crée l’amitié. Pour Brent « l’amitié spirituelle » (fellowship) est un facteur clé pour faire grandir l’unité chrétienne

« L’unité chrétienne, qui est une chose de l’Esprit et qui est fondée sur la double loi d’amour du Christ vient d’abord et précède l’unité ecclésiale, où l’unité de culte est un sommet nécessaire ».

Pour Brent l’incarnation est le pivot de sa vie spirituelle et de son engagement pour l’unité, « elle signifie proximité …les Eglises doivent donc s’engager de manière non équivoque et irrévocable au principe de l’incarnation ». C’est le Dieu proche dans l’incarnation qui appelle les Eglise à être proches les unes des autres. Philippiens 2,2-5)

Une prière de Brent :

« Seigneur Jésus, tu veux rassembler ton troupeau et nous rendre un en toi. Regarde notre sérieuse aspiration à être unis dans la paix et l’unité, comme tu le demandes. Nous nous sommes égarés ; conduis-nous sur le sentier qui mène vers toi et vers ton but. Permets à chacun et à tous de te trouver et de nous trouver les uns les autres en toi. Bénis nos efforts de suivre tes conseils et de réfléchir ensemble, dans l’amour, sur les choses qui nous séparent, afin que les malentendus, les intérêts personnels et les préjugés soient dissipés ! Donne-nous de voir clairement ce but béni et, avec une ferveur passionnée, de prier, chercher et frapper à la porte, jusqu’à ce que nous connaissions comme nous sommes connus et aimions comme nous sommes aimés. »

 

[1] Actes officiels de la Conférence mondiale de Lausanne, 1927. Paris, Attinger, 1928  

Voir aussi mon article:  Pratique de l’Unité chez Charles Henry Brent. A l’aube d’une spiritualité oecuménique (Hokhma 2011/1)


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