Tentation Berna

Vigilance et Résistance

Les textes de ce premier dimanche de carême nous appellent à la vigilance. Nous devons veiller car un autre veut venir à nous, non pour nous aimer et nous faire entrer dans sa vie, mais pour nous piéger et nous faire entrer dans ses ténèbres.

 

« Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer ; opposez-vous à lui, fermes dans la foi, sachant que les mêmes souffrances sont imposées à vos frères dans le monde. » (1 Pierre 5,8-9)

La Bible, du début à la fin, mentionne l’action du diable et des démons. Elle explique que ce sont des anges qui ont rejeté Dieu. Des créatures bien réelles, mais spirituelles et incorporelles.

Le diable ne cesse de remettre en cause la Parole de Dieu : « Dieu a-t-il vraiment dit » ? (Genèse 3). Il est une puissance de mensonge. L’Ecriture l’appelle le menteur et le meurtrier, dès le commencement. Il est notre ennemi ou notre adversaire.

Il serait intéressant de faire un sondage dans les Eglises protestantes pour savoir combien de pasteurs et de théologiens reconnaissent son existence. Beaucoup pensent qu’il n’est qu’une force de division intérieure, mais qu’il n’a pas d’extériorité par rapport à l’esprit humain. Le diable, littéralement le diviseur, serait tout ce qui nous divise.

Sa plus grande ruse est de nier son existence, disait déjà le poète Baudelaire… et son allié le plus subtil est sans doute le théologien séduit par les arguments de la psychologie.

Mais l’adversaire n’est pas une figure symbolique. Le simple croyant n’a pas de doute quant à son caractère néfaste et sait reconnaître son action. S’il n’y « croit » pas – car c’est en Dieu seul qu’il croit – il sait qu’il existe. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir les yeux sur notre monde et dans les relations humaines pour constater les dégâts qu’il fait.

Le lion à la recherche de sa proie

L’image du lion rôdant dans la campagne à la recherche de sa proie évoque la grande menace représentée par le diable. Le rôle des bergers est de protéger les troupeaux des ravages du lion. Les bergers du peuple de Dieu ont aussi cette mission, mais malheureusement, comme le déplore Ezéchiel, ils peuvent eux aussi devenir des lions qui  happent leur proie. (22,23-27)

Comme le péché, le diable est une bête tapie à notre porte cherchant à nous dévorer. Il faut lui résister (Genèse 4), s’opposer à lui (1 Pierre 5,9).

Comment agit-il aujourd’hui ? Comme il a agi envers Jésus dans le récit des Tentations ! (Mat 4)

Ce récit montre comment il veut pervertir nos relations : celles avec Dieu, avec notre prochain et avec nous-mêmes.

La première tentation présentée par le diable à Jésus concerne notre relation avec nous-mêmes. Jésus a faim et le diable lui propose de transformer une pierre en pain.

La deuxième tentation concerne notre relation avec Dieu. Le diable tente Jésus en lui parlant de sa relation avec le Père : « Si tu es le Fils de Dieu… » fais ceci ou cela !

La troisième tentation concerne notre relation avec notre prochain. Le diable présente à Jésus les richesses du monde pour les lui donner. A travers la richesse il pourra dominer les autres.

C’est dans ces trois relations qu’il faut veiller.

Les Pères de l’Église identifiaient la première tentation à « l’avidité » (la blessure de relation avec soi-même). La deuxième avec la « vaine gloire » (la blessure de la relation avec Dieu), et la troisième avec « l’avarice » ou la « possession égoïste des biens » (la blessure de relation avec autrui).

Nous avons à exercer notre vigilance sur notre relation nous-mêmes, sur notre relation à l’argent et au pouvoir, comme dans notre vie spirituelle.

L’adversaire en effet veut s’infiltrer dans toutes ces relations.

Il veut nous briser dans tout ce qui constitue notre relation avec nous mêmes : le manger et le boire, l’habillement, la santé, la sexualité…

Il veut nous diviser entre nous en suscitant des clans et des tribus. Il s’immisce dans les jalousies et les médisances. Il est « l’accusateur de nos frères » et profite de chaque critique pour nous opposer. Il se réjouit de l’injustice provoquée par le goût du pouvoir et de l’argent.

Enfin et par-dessous tout, il veut casser notre relation avec le Père, nous faire douter de son amour et nous empêcher de dire « Notre Père qui es aux cieux », en attiédissant notre vie spirituelle.

Comment veiller ?

Au Tentateur il faut opposer l’amour ! L’amour pour Dieu, pour notre prochain et pour soi-même. Il suffit d’aimer…mais ce n’est pas si simple !

L’amour est vigilant. C’est parce qu’une mère aime qu’elle est capable de veiller toute une nuit son enfant malade.

Jésus nous a donné son grand commandement de l’amour qui résume toutes les autres paroles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces et de toute ton intelligence. Et tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Ce triple commandement est le contre poison aux tentations qui sont des perversions de l’amour.

Dans le sermon sur la montagne, Jésus reprend ce triple commandement avec :

Le jeûne (juste relation soi-même) qui est le contre poison à l’avidité

L’aumône (juste relation avec le prochain) qui est le contre poison à l’avarice ou à la possession égoïste des biens.

La prière (juste relation avec Dieu) … qui est le contre poison à la vaine gloire ou à l’oubli de Dieu.

L’apôtre Paul reprend ces trois dimensions de la vie spirituelle en appelant à la  « sobriété, la justice et la piété » (Tite 2,12)

Reprenons ces trois dimensions.

Sobriété ou jeûne.

Jésus nous invite au jeûne, Paul à la sobriété. Nous devons veiller sur nos appétits, sur notre style de vie, ne pas nous laisser surmener, mais chercher une vie équilibrée. Et pour y arriver, il faut parfois renoncer à des projets ou des habitudes. Les déséquilibres dans notre vie physique et psychique sont autant de failles que le tentateur peut utiliser.

Jésus parmi nous est non seulement Dieu, mais aussi homme incarné. Il a assumé nos fragilités et a vécu dans un corps tel que le nôtre et son âme a été tentée. C’est lui qui nous enseigne à vivre amicalement avec nous-même en gardant notre cœur plus que tout.

 

Justice ou aumône.

Qui demeure dans l’amour pratique la justice et veille. Plus grand est l’amour réciproque entre nous, moins il y aura de failles par lesquels le diviseur pourra s’infiltrer.

Jésus parmi nous est celui qui s’est donné sans se reprendre. Pratiquons donc la générosité, le non-jugement et le partage ! Cherchons ce qui unit et construit la communion !

 

Piété ou prière.

L’adversaire a une intelligence bien supérieure à la nôtre. C’est pourquoi il ne faut pas dialoguer avec lui, mais lui opposer la Parole de Dieu, comme l’a fait Jésus quand il a été tenté.

La première vigilance à exercer est de vivre la Parole de Dieu, de la méditer sans cesse et de la garder dans son cœur.

Il faut aussi prier avec persévérance. La demande du Notre Père « délivre-nous du Mal » peut aussi être traduite par « délivre-nous du Malin » !

Jésus parmi nous est celui qui ne cesse de prier. Prions et veillons avec lui !

Personnellement j’ai développé un petit parcours de prière pour résister au Tentateur au moyen des « Perles du cœur ».

Perles. InfographieAvec les trois perles blanches de la confiance – qui symbolisent l’amour du Père –  je prie le Notre Père.

Avec les trois perles rouges des blessures – qui disent la passion du Christ – je prie à trois reprises la « prière de Jésus » : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, blessé pour nous, aie compassion de nous ! »

Avec les trois perles jaunes de la lumière – qui parlent de la résurrection du Christ – je  chante les trois strophes du chant « A toi la Gloire ».

Avec les trois perles bleues du chemin – qui représente l’Esprit saint – je dis la prière à l’Esprit saint, très populaire dans l’orthodoxie : « Roi du ciel, consolateur, Esprit de vérité, toi qui es partout présent et qui pénètre tout, trésor des biens et donateur de la vie, viens et demeure en nous ! Purifie-nous de toute souillure et sauve nos âmes, toi qui es bonté » !

Avec la perle du cœur, finalement, je demande à Dieu de garder mon cœur plus que tout !

C’est ainsi que je revêts « l’armure de Dieu » pour résister au Malin (Ephésiens 6)

Veiller avec une communauté

Enfin nous ne sommes pas seul à veiller, mais nous encourageons les uns les autres à veiller dans l’amour. Et depuis sa résurrection Jésus-Christ est au milieu de nous comme celui qui veille et nous défend du Mauvais. Je me répète car c’est l’essentiel.

Veillons toujours à lui donner un espace parmi nous en nous aimant les uns les autres et en le sanctifiant dans notre cœur !

Sur ce point, j’aimerais citer ce beau commentaire d’Antoine Nouis dans son commentaire du Nouveau Testament :

« Un des soutiens dans le combat est de savoir qu’on n’est pas le seul à le mener. Pour vaincre la résistance de leurs dissidents, les pays totalitaires leur font croire qu’ils sont isolés et que leur combat est inutile.

Parfois l’adversaire me susurre à l’oreille : « A quoi ça sert d’être fidèle à l’Evangile ? Fais comme tout le monde : mange, bois, profite de la vie, consomme, brille, cherche le pouvoir, sois maître de tes valeurs, oublie les engagements de jeunesse. Ce qui est à la mode aujourd’hui, c’est d’être mobile, adapté et surtout de ne pas rater le dernier train de ce qu’on doit penser…tu peux même essayer de le précéder ! » J’ai alors besoin d’entendre que je ne suis pas seul à mener le combat de la foi. J’appartiens à l’armée des résistants ». (Antoine Nouis)

Veiller dans l’attente du Seigneur

En conclusion il y en a trois qui s’intéressent à nous :

  • Le péché qui frappe à notre porte. et cherche à coloniser nos pensées. Celles-ci sont comme des oiseaux : on ne peut les empêcher de voler dans le ciel, mais on peut les empêcher de faire leur nid sur notre tête !
  • Le diable qui est comme un lion rôdant autour de nous. Quand le serpent sort sa tête du trou, coupons-la tout de suite !
  • Mais il faut ne jamais oublier le troisième qui s’intéresse à nous et surtout nous aime plus que tout : Jésus le ressuscité qui a donné sa vie pour nous, qui est parmi nous et qui vient bientôt.

Prière

Veiller et prier avec toi

car nul ne sait le jour ni l’heure

 

Veiller et résister avec toi

car le lion rôde.

 

Veiller et persévérer avec toi

car nombreux sont les obstacles.

 

Veiller et vivre sobrement avec toi

pour que les richesses ne nous séduisent pas.

 

Veiller et chanter avec toi

pour que la tentation ne nous submerge pas.

 

Veiller et avancer avec toi

car tu marches parmi nous.

 

Veiller et aimer avec toi

pour rester toujours dans l’amour.

 

Veiller et jeûner avec toi

car le temps est court

 

Veiller et se confier en toi

pour chasser toute peur.

 

Veiller et veiller sans cesse avec toi

pour garder notre cœur plus que tout.

 

« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment » (Mc 13,33).

Image: la tentation de Jésus, par Berna


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