Georges Rouault Christ et apotres

L’Église : une et diverse.

Le monde que Dieu a créé est un « Univers ». Dans ce mot, il y a à la fois l’idée d’unité et de diversité. Un rayon de lumière contient en lui une infinité de nuances de couleurs s’il passe à travers un prisme. Un seul rayon de lumière contient une extraordinaire diversité. Plus la recherche de la physique nucléaire progresse, plus on découvre la complexité des éléments les plus simples. Il en va de même avec l’astrophysique, qui découvre la formidable beauté et immensité de notre univers.

Or cette uni-diversité, qui vient de la nature trinitaire de Dieu, laquelle se reflète dans la création, se voit aussi dans le peuple d’Israël, les apôtres et l’Église.1

 

Diversité du peuple d’Israël

Elle se manifestait déjà dans l’Église de la première Alliance : douze tribus, chacune avec ses particularités.  Il est intéressant que dans le Deutéronome, Israël soit désigné par l’expression « peuples » au pluriel. Il y a un unique peuple de Dieu composé de peuples : « Oui, toi qui aimes des peuples, tous les saints sont dans ta main…Ils recueillent ce qui vient de ta parole » (Deut. 33,3).

Ce texte insiste sur l’écoute de la Parole. C’est en l’écoutant, que la diversité conduit à l’harmonie et la complémentarité. C’est pourquoi la première parole que Dieu adresse à son peuple est « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est Un ! Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force…»

Si Dieu n’est plus écouté, lui qui tient le tout ensemble, alors on se divise. Les diversités conduisent à des contradictions, des oppositions, des exclusions, voire à des haines et des violences.

Et c’est ce que l’on voit durant toute l’histoire du peuple de Dieu. La grande famille de Jacob, à l’origine des douze tribus, est loin d’être uniformément harmonieuse. Ruben et Siméon sont violents, Joseph est jalousé et mis à mort. Les rapports sont tendus et complexes. Mais il y aura à la fin du livre de la Genèse (49), comme à la fin du livre du Deutéronome une bénédiction pour chacun et chaque tribu. Malgré ses transgressions et ses révoltes, le peuple reste aimé et un avenir s’ouvre devant lui. Mais il est d’abord appelé à « écouter », pour être transformé par la présence de Dieu.

 

Diversité des douze apôtres

Jésus choisit douze apôtres, en se souvenant des douze tribus, pour inaugurer une nouvelle étape dans l’histoire du salut. Il appelle douze personnes très différentes les unes des autres. Des personnes qui ne sont pas choisies, mais qu’Il a choisies. Sans l’appel de Jésus, elles n’auraient jamais pu rester ensemble. Cet appel de Jésus nous fait comprendre quelque chose d’essentiel sur le modèle d’unité à vivre dans l’Église.

Les apôtres sont en effet des personnes à l’image de nous tous, avec nos qualités, nos enthousiasmes, nos défauts, nos faiblesses et nos limites. Avant d’être des apôtres, ils sont surtout des « disciples », invités à bien écouter Jésus, à vivre avec lui, à se laisser transformer par lui. « Il en établit douze pour être avec lui ». (Mc 3,14).

Il s’agit d’abord d’être avec Jésus, non pas dans un face à face solitaire, mais avec d’autres personnes très différentes de moi. Des personnes avec qui je n’aurais jamais choisi de vivre. Il y a ici un point très important : suivre Jésus veut dire aussi faire partie d’une communauté où je rencontre des personnes que je n’ai pas choisies, mais que j’ai à recevoir comme étant choisies et aimées par Jésus. Je ne peux être proche de Jésus si je refuse de les côtoyer. Si la vie chrétienne est personnelle, elle n’est pas individualiste.

Quand les disciples deviennent « apôtres », c’est-à-dire envoyés, ils ne sont pas des représentants d’un pouvoir central, des ministres ou des prélats avec des privilèges, mais ils sont des disciples et des amis qui cherchent à partager le style de vie qu’ils ont appris en écoutant et en vivant avec Jésus.

 

Chemin de transformation

Parmi les apôtres, il y a des jaloux, des violents, des rivaux, un collaborateur avec l’occupant, un révolutionnaire voulant au contraire le chasser par la violence. Il y a des pécheurs galiléens qui ne sont jamais sorti de leur trou, mais aussi Philippe, de culture hellénistique, puisqu’il porte un prénom grec. Il y a Thomas, qui est appelé jumeau. Son frère ne fait pas partie du groupe des apôtres, ce qui implique sans doute un déchirement, quand on sait combien les jumeaux vivent épaule contre épaule.

Tous apprennent en vivant avec Jésus à mettre en premier, non les habitudes et les affections familiales, mais l’écoute la Parole de Dieu et à faire la volonté de Dieu. Ils apprennent par l’expérience le sens des paroles de Jésus : « Quiconque écoute la parole de Dieu et fait sa volonté, voilà mon frère, ma sœur, ma mère » (Mc 3,35)    

Ces apôtres sont appelés à se transformer. Chacun a sa part d’ombre et sa part de lumière. Chacun doit faire mourir le « vieil homme » en lui et faire vivre « l’homme nouveau ».  

Le vieil homme doit être transformé. Le vieil homme s’exprime quand nous sommes attachés à nous-mêmes, à notre égo, vivant dans les jugements, les transgressions, les divisions et les oppositions. Seul l’homme nouveau, appelé, transformé, peut renoncer à dominer les autres et mettre en valeur leurs réalisations. Seule une personne transformée par la spiritualité de Jésus peut s’assoir aux côtés de son ennemi, car il sait que celui-ci peut aussi être transformé.

Les disciples sont donc tous en voie de transformation. Nous le sommes aussi. Ces changements doivent se faire aussi en nous. Et dans la mesure où nous acceptons d’entrer dans ce processus de changement intérieur, l’unité de l’Église se construit.

 

Unité ne signifie pas uniformité.

Mais en quoi consiste l’unité de l’Église ? L’unité de l’Église ne signifie pas uniformité. En appelant douze personnes aussi différentes les unes des autres, Jésus a voulu nous faire comprendre que l’unité n’est pas un formatage sur un modèle unique. L’unité n’est pas un moule avec lequel on produit des poupées qui se ressemblent toutes. Au contraire, Jésus veut que son Église soit à l’image de l’univers un et divers, à l’image de la lumière, composée de tant de couleurs, à l’image de la Trinité, où trois personnes distinctes vivent en relation permanente les unes avec les autres.

Quand nous parlons de l’unité de l’Église, il faut donc également souligner l’importance de sa diversité. Elle s’exprime à travers sa diversité, affirme Oscar Cullmann dans un livre qui a marqué la réflexion oecuménique.[2] Plus les personnes sont diverses de cultures, de races, de langues, de conditions sociales, d’âges, de responsabilités, de traditions confessionnelles, plus l’unité sera grande entre elles, si elles mettent en premier la Parole du Christ et la vivent. 

[1] Cf le §7 du document de Foi et Constitution, L’Église, vers une vision commune. (Document 214). COE, Genève, 2014, qui développe le thème de « l’Église du Dieu Trine comme koinonia »

[2] L’unité par la diversité, Cerf, Paris, 1986

 

Image: G. Rouault, Christ et les apôtres


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