Un rêve ? Oui, vraiment un rêve, pas une figure de style. Et même un « grand rêve », qui continue à me nourrir ! Mais entre le rêve et la réalité, il y a une tension. Comment aimer notre Eglise dans sa situation concrète, sans abandonner la vision d’une Eglise renouvelée ?
Il faut d’abord se dégager des tentacules du relativisme, qui imprègne notre société. Un jeu de mots italien l’exprime : Siamo noi soli il sole. (« Nous sommes nous seuls le soleil »). Dans l’idéologie relativiste, le vrai et le bon ne sont pas à chercher à l’extérieur de nous-mêmes, mais en nous-mêmes : chacun devient la source de la vérité, un soleil.
Pour qu’il y ait communion fraternelle entre nous, il est nécessaire que nous soyons reliés les uns aux autres, en nous référant à une extériorité : le Christ et l’Evangile. Pour le faire comprendre, je propose une autre image. Nous ne sommes pas, chacun d’entre nous des soleils, mais des rayons reliés au soleil. Chaque rayon est unique et représente le projet de Dieu sur chacun. En répondant à ce que Dieu veut de nous, plus nous nous rapprochons du soleil (le Christ), plus nous nous rapprochons les uns les autres.
Jésus nous montre le chemin qui ouvre à une fraternité universelle. Il ne vit pas dans le relativisme, mais dans la relation avec l’Autre. Il choisit de l’aimer. Et ce choix constitue sa liberté.
Vivre ensemble liberté et fraternité, concilier les besoins de l’individu et son désir de relations interpersonnelles. Voici le défi actuel que lance la société mondialisée.
Unité et liberté sont les deux dimensions essentielles de la personne humaine. Et en tant que chrétiens, nous en connaissons l’origine. Dans le Dieu un et trinitaire, unité, distinction et liberté sont présentes entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Dieu est à la fois communauté et liberté et il a crée l’humanité à son image
La réponse de l’Esprit saint à la situation actuelle est de guider l’Eglise afin qu’elle redécouvre le mystère de la communion fraternelle, qui constitue sa nature profonde. La redécouverte de l’Ecclésiologie de communion dans toutes les Eglises en est un sérieux indice.
Le défi : susciter la communauté fraternelle au sein de la paroisse.
Pour répondre au besoin de relations interpersonnelles dans la liberté, le défi pour chaque paroisse est de créer la communauté fraternelle en son sein. Comment ? En créant des petites communautés où chacun peut partager sa vie à la lumière de l’Evangile.
Encourager la formation de ces petites communautés fraternelles, les reconnaître, les nourrir, les relier les unes aux autres, voilà la grande tâche de l’Eglise d’aujourd’hui. La paroisse de demain sera une communion de petites communautés. Et la célébration dominicale, avec en son centre le repas du Seigneur, sera l’expression plus large de cette communion.
Un charisme de concentration et d’ouverture
Cette fraternité à susciter à l’intérieur de la paroisse, est aussi à vivre dans notre Eglise et entre les diverses Eglises. Comment ? En reconnaissant que chaque Eglise a reçu des dons particuliers, qui ne sont pas présents (ou moins présents) dans la nôtre. A la suite d’Oscar Culmann, j’invite à découvrir dans chacune un charisme donné par l’Esprit saint, qui doit être approfondi, purifié et communiqué aux autres.
Les charismes typiques du protestantisme sont la concentration sur le Christ et sa Parole, ainsi que la liberté chrétienne qui favorise l’ouverture au monde. Jésus Christ est celui qui a pleinement vécu la concentration et l’ouverture, de manière divine et humaine, l’amour pour Dieu et l’amour pour l’humanité.
L’essentiel est donc de donner un espace au Christ pour qu’il puisse se manifester au milieu de nous, afin que nous vivions, en Lui et à sa suite. Et la création de petites communautés permet de vivre cet espace d’ouverture au Christ. Il ne s’agit pas de profiler notre Eglise, mais d’être centrés sur Jésus-Christ, dont la présence parmi nous vivifie chaque communauté.