pelerin

La vie est pèlerinage

Le pèlerinage, çà marche de nouveau aujourd’hui !

Depuis une trentaine d’années on s’est remis à marcher sur les vieux chemins de pèlerinage en Europe.

Votre serviteur est un de ces pèlerins. Il y a quelques années j’ai traversé la Suisse et l’Espagne en compagnie de deux amis prêtres, sur les traces du chemin de Saint Jacques de Compostelle.

Actuellement avec ma femme Chantal, nous faisons chaque année quelques étapes sur la Via Francigena, en direction de Rome. (Voir ici le petit reportage à notre sujet )

Ecoutez le message ici !

Mais le peuple de Dieu marche depuis toujours. Pour les fêtes du Seigneur, les tribus d’Israël montaient à Jérusalem. Le peuple juif le fait toujours aujourd’hui.

Qu’est-ce qui attire tant dans le pèlerinage ? C’est qu’il allie la vertu de la marche à la découverte de la beauté du monde ; de l’effort physique à la démarche spirituelle ; de la convivialité humaine à la communion divine.

Le pèlerinage forme une ellipse, avec quatre étapes : le départ, comme séparation du monde ; la marche, comme chemin intérieur ; le but, comme rencontre avec Dieu; le retour à la maison, après avoir vécu une transformation.

 

Un symbole de la vie chrétienne

En fait le pèlerinage est un symbole de la vie.

Et de la vie en Christ en particulier.

C’est ce qu’a compris l’auteur de la lettre aux Hébreux.

« Pour l’auteur d’Hébreux la vie chrétienne est un pèlerinage jusque dans la présence de Dieu. Toute l’épître tourne autour de l’idée de s’approcher et d’accéder à Dieu », écrit un spécialiste de cette lettre.[1]

Au chapitre onze, l’auteur a parlé des témoins de la foi de l’Ancienne Alliance avec les images du pèlerinage. Abraham et les autres témoins, étaient « étrangers et voyageurs sur cette terre…aspirant à une patrie meilleure, à une patrie céleste » (11,13-16).

Comme pèlerin, Abraham a quitté sa patrie pour une aller vers « une patrie meilleure », (11,15s). Le pèlerinage implique d’abord une séparation d’avec nos habitudes. Puis une destination.

Mais cette patrie meilleure n’est jamais atteinte ici-bas. C’est la « cité construite par Dieu » (11,10), c’est à dire la Jérusalem céleste que la cité de David ne faisait que préfigurer.

De plus sur ce chemin, les fidèles de l’Ancien Testament ont rencontré d’énormes difficultés physiques et spirituelles en chemin: le péché, la possibilité du martyre et la tentation d’abandonner (11,32-40).

Ainsi en ira-t-il de nous qui sommes leurs héritiers spirituels.

Nous avons également à nous détacher, à marcher vers une destination et à affronter les épreuves du pèlerinage.

Leur exemple de foi et de persévérance nous encourage.

Ils sont avec nous, spirituellement, alors que nous aussi avançons dans notre pèlerinage : « Nous avons autour de nous une telle nuée de témoins ». (12,1)

Le combat du pèlerin

On a souvent compris le début du chapitre 12 comme la course de l’athlète dans un stade, mais on peut aussi y voir l’image du pèlerin qui persévère sur son chemin en regardant au Christ, comme exemple de persévérance dans la souffrance. D’où la traduction : « Livrons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée » (12,1).[2]

Comment donc avancer dans cette épreuve du pèlerinage ?

L’auteur de l’épître propose quatre étapes sur ce chemin :

  • Simplifier notre vie
  • Persévérer et nous encourager les uns les autres
  • Se laisser éduquer et transformer
  • Regarder à Jésus

Arrêtons-nous un moment à chacune d’elles !

  • Simplifier notre vie

Un pèlerin ne s’alourdit pas de beaucoup de bagages.

Dans le film « Saint Jacques la Mecque », on voit une scène hilarante où un des pèlerins, au début, porte un immense sac, beaucoup trop lourd. Il est obligé de s’alléger.

Un sage vivait avec seulement quelques objets. Un de ses disciples venu de loin pour le consulter s’en étonne. Le sage lui dit : « pourquoi n’avez vous pas pris vos meubles avec vous ? ». – « Parce que je suis en voyage », lui répond-il ! « Eh bien moi aussi », dit le sage.

Il s’agit donc de simplifier sa vie, de rejeter tout ce qui alourdit notre marche : « Rejetez tout fardeau », dit le texte. Mais il ajoute « et le péché qui sait si bien nous entoure ».

C’est avant tout à un pèlerinage de sainteté auquel nous sommes appelés.

 

  • Persévérer

Devant l’épreuve le pèlerin est tenté d’abandonner en chemin.

C’est pourquoi l’auteur de la lettre nous appelle à « livrer avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée » (12,1)

Ailleurs il dit : « c’est de persévérance dont nous avons besoin » (Hébr 10,36).

Il y a quelques années nous avons reçu chez nous Thomas, un jeune qui parcourait la Via Francigena en vélo. Il était parti de Cantorbéry pour se rendre à Rome. Nous l’avions invité à rencontrer des jeunes chrétiens et à participer à une célébration œcuménique dans la cathédrale de Lausanne.

Plus tard il nous a écrit combien cela l’avait encouragé, car il était arrivé démoralisé chez nous et avait l’intention de retourner chez lui en Angleterre. D’ailleurs à Rome une grande surprise l’attendait : une rencontre avec le Seigneur !

« Encourageons-nous mutuellement, et cela d’autant plus que vous voyez le jour s’approcher » (Hébr 10,25)

 

  • Se laisser éduquer et transformer

Un pèlerinage nous éduque et nous transforme. C’est ce que dit notre texte : « C’est en fils que Dieu vous traite. Quel est en effet le fils que son père ne corrige pas » ? (12,7)

Le pèlerinage est une grande école de vie. Celui qui retourne chez lui n’est plus comme avant. Il a compris le sens de la vie et essaye désormais d’en vivre.

Ainsi en va-t-il dans la vie chrétienne : nous avançons dans la mesure où nous nous transformons.

Je me souviens du choc que j’ai perçu en arrivant à l’aéroport de Genève en revenant de Saint Jacques de Compostelle. J’étais frappé par l’agitation de ce lieu et par l’énervement des touristes. Alors que j’éprouvais en moi une grande paix !

Cette paix, je n’en doute pas, venait de la communion avec le Christ que j’avais vécue si fortement durant ce pèlerinage. Le fruit d’un pèlerinage est la paix et la justice (12,10-11). Il nous transforme pour ressembler de plus en plus à Jésus, le prince de la paix.

Ceci me conduit à la quatrième étape, la plus importante :

 

  • Regarder à Jésus

L’auteur nous invite à avancer dans notre pèlerinage « les regards fixés sur celui qui est l’initiateur de notre foi et qui la mène à son accomplissement, Jésus…Oui pensez à celui qui a enduré de la part des pécheurs une si grand opposition contre lui, afin de ne pas vous laisser accabler par le découragement » (12,2-3).

Jésus-Christ, selon lui, est en effet le pèlerin en chef, le premier qui a fait le voyage et donné un sens et une importance à celui-ci en tant que pèlerinage. 

Il est le précurseur qui prépare la voie, le pionnier ou le premier de cordée ouvrant une voie que d’autres peuvent suivre. Et il est aussi le perfectionneur qui termine ce qu’il a commencé en traversant les épreuves dans la confiance et l’amour.

Ressuscité il avant nous tous les jours et prie sans cesse pour nous !

En lui, nous sommes fils dans le Fils. Or « le Fils et les fils marchent ensemble, associés et solidaires dans la même entreprise. Nous avons part au Christ » (3,14), comme un pasteur et son troupeau (13,20: « le grand berger des moutons »); ils forment un même et unique groupe de marche…Il trace la route, il l’a parcourue le premier, il l’inaugure et la consacre (10:19-20); les croyants n’ont qu’à le suivre pour pénétrer à leur tour dans le ciel », écrit C. Spicq dans son grand commentaire.[3]

ENVOI

Lors de la célébration au Centre œcuménique de Genève, le 21 juin dernier, le pape François a commenté l’injonction répétée deux fois de l’apôtre Paul à « marcher selon l’Esprit » (Gal 5,16,25). Et il a médité sur le sens du pèlerinage qui est le grand thème du Conseil œcuménique des Eglises (« Un pèlerinage de justice et de paix »)

« Marcher demande le souci des compagnons de voyage, car ce n’est qu’ensemble qu’on marche bien. Marcher exige une conversion de soi continue, sortir de soi et sa quiétude…Marcher ensemble, prier ensemble, travailler ensemble : voilà notre route principale. Il est déjà possible de marcher dès maintenant selon l’Esprit », a-t-il dit. (lire son commentaire ici)

Alors avançons ensemble en simplifiant notre vie, en persévérant et en nous encourageant mutuellement, en nous laissant transformer et, surtout, en regardant à Jésus qui nous a précédé sur ce chemin et qui nous accompagne en priant sans cesse pour nous !

 

Une prière

 

Nous sommes en marche vers toi, Seigneur,

Dans un pèlerinage de sainteté, de justice et de paix,

Et tu nous appelles à nous entraider,

A nous attendre et à témoigner de ta tendresse pour tous.

 

Sur ce long chemin, tu nous prépares un festin,

Une table dressée avec le pain et le vin.

En te donnant à nous, tu renouvelles nos forces

Pour vivre ta justice et ta paix avec tous.

 

Béni sois-tu, car déjà maintenant nous avons part

A la richesse et à la plénitude de ton Royaume.

Nous sommes en communion avec toi,

Le Père, le Fils et l’Esprit saint

Et avec toutes les forces du ciel.

 

C’est pourquoi, avant de nous approcher

Pour recevoir le pain et le vin du pèlerin

Nous avons besoin d’être simplifiés et libérés

dépoussiérés et pardonnés.

Nous avons besoin de ton pardon et de ta libération.

Oui, Seigneur, en ce moment de silence,

Viens toi-même nous visiter et nous renouveler !

 

Dossier sur le pèlerinage

 

 

[1] Voir C. Sims, You have come to Mount Zion : Pilgrimage in the Presence of God in the Epistle of Hebrews, Queen’s University, Belfast, 2008, p. 343. Cité en Gordon Cambell, Le pèlerin en chef et les pèlerins : la solidarité entre le Christ et ceux qui marchent à sa suite dans l’épître aux Hébreux. Revue Réformée, juillet 2018, No. 287, p. 44

[2] G. Campbell, art cit, p. 49-50

[3] L’Epître aux Hébreux, Paris, Gabalda, 1942, Vol I, p. 30


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