Escaliers de lunite

Les escaliers de l’unité

Les escaliers de l’unité, aquarelle de Beni Gassenbauer, JérusalemIl y a quelques temps, Chantal et moi avons passé une semaine de retraite dans l’ermitage de Gethsémané à Jérusalem. Ce fut un temps béni… et celui de la cueillette des olives. Après la prière avec les franciscains qui animent ce lieu, nous avons en effet cueilli les olives sur ces vieux oliviers, parmi les plus vieux du monde et sous lesquels Jésus a prié.

A chaque fois que nous allons à Jérusalem, nous aimons nous rendre sur les escaliers qui descendent depuis l’Eglise de Saint Pierre en Gallicante, en dessous du mont Sion (là où Pierre a renié Jésus à trois reprises). Selon une tradition, c’est ici que Jésus aurait prié pour l’unité : « Que tous soient un ». J’aime voir ces vieux escaliers qui datent de l’époque de Jésus, où il a marché avec les siens.

Nous avons demandé à Beni Gassenbauer, un aquarelliste de Jérusalem, de peindre ces escaliers. Ce tableau que nous avons suspendu dans notre salon, est devenu, dès lors, une invitation constante à une prière pour la paix, le dialogue et l’unité.

Un lieu pour le dialogue

En 2009, j’ai participé à une rencontre du Mouvement des Focolari à Jérusalem, pour approfondir le dialogue entre juifs et chrétiens. Nous sommes venus à cet endroit pour vivre une moment de prière tout simple. Le psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger » chanté en hébreu par une juive puis en arabe par des chrétiens palestiniens. Et nous avons renouvelé entre nous une sorte de pacte d’amitié, demandant à Dieu que rien ne puisse nous séparer les uns des autres et nous engageant à vivre cette fraternité à laquelle nos livres saints nous appellent.

Ce lieu m’inspire pour le dialogue et l’unité. Il se trouve à l’intersection entre les quartiers chrétiens, juifs et musulmans. C’est un lieu aussi cher à Chiara Lubich, l’initiatrice des Focolari, qui écrivait il y a 50 ans ces lignes : [1]

« Pour celui qui a l’occasion de se rendre en Terre Sainte, au printemps, parmi les innombrables richesses que Jérusalem offre à sa contemplation et à sa méditation, il en est une qui le frappe, pour ce qu’elle évoque dans son extrême simplicité.

Lavé par 2000 ans d’intempéries, parsemé ça et là de coquelicots rougeoyants comme le sang de la Passion, un long escalier de pierre a résisté au temps. Tranquille et solennel, il déroule son ruban inégal jusqu’à la vallée du Cédron. Il est resté nu, à ciel ouvert, bordé par les prés, comme si un sanctuaire ne pouvait remplacer la voûte du ciel qui le couronne.

C’est par là – selon une tradition – que Jésus descendit au dernier soir, après le repas, lorsque « les yeux levés au ciel » rempli d’étoiles, il se mit à prier : « Père, l’heure est venue… » Poser ses pieds là où les pieds d’un Dieu ont marché, quelle impression ! Et c’est de tout son être que l’on regarde la voûte céleste que les yeux d’un Dieu ont regardée. Cette impression peut être si forte que la méditation se transforme en adoration.

C’est une prière unique que Jésus prononça avant de mourir. Et plus il resplendit Dieu, ce « Fils de l’homme » que l’on adore, plus on le sent homme et plus il nous séduit. Ses paroles que seul le Père a comprises pleinement, il les prononça pourtant à haute voix, peut-être pour que parvienne jusqu’à nous l’écho d’une telle mélodie…»

Cette année (en 2013, nous sommes montés depuis Gethsémané jusqu’au mont Sion et descendus ensuite sur ces escaliers, sur lesquels Jésus a marché à deux reprises la nuit où il fut livré. Voici ce que j’ai écrit au sujet de ces escaliers :

« Le Seigneur, après la cène, a descendu ces escaliers jusqu’à la Géhenne. Il y a prié « Que tous soient un ». Il n’est pas monté vers la gloire, sans s’être abaissé au plus bas. Il nous montre ainsi le chemin : pas d’unité possible entre nous sans un esprit de service, de dépouillement de ses prérogatives, de pauvreté et de simplicité. La logique ascendante de la recherche de pouvoir, de richesse et de sagesse conduit aux divisions. La logique descendante du service et de la miséricorde conduit à l’unité. Seigneur, donne-moi de ne pas avoir peur de descendre avec toi sur ces escaliers et de prier avec toi pour cette unité pour laquelle tu as donné ta vie ».

Quelle unité?

Mais quelle est l’unité pour laquelle Jésus a prié ? A la lumière de la prière de Jésus pour l’unité en Jean 17, cette unité est à la fois un don et un appelUne grâce et une exigence.

L’unité est d’abord un don du Seigneur « Et moi, je leur ai donné ta gloire pour qu’il soient un ». (v. 22)  Ce n’est pas par nos propres forces que nous la réalisons. Il faut toujours se souvenir qu’il prie pour nous constamment, qu’il nous donne sa grâce, son pardon, sa gloire, c’est à dire tous les dons de son Esprit afin que nous soyons un. L’unité lui tient tellement à cœur qu’il s’est donné pour la réaliser et qu’il continue à nous donner ses dons afin d’arriver à ce but.

Puis, l’unité est un appel, une exigence : « Comme toi Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé ». (v. 21) Jésus ne va pas par quatre chemins. Il nous appelle à vivre de la manière la plus exigeante, c’est à dire à avoir entre nous des relations qui soient à l’image des relations vécues dans la Trinité, entre le Père et le Fils. Quel programme, quelle profondeur, quelle hauteur, quelle largeur ! Nous le devinons un peu en regardant comment Jésus vit dans la confiance envers son Père, particulièrement à Gethsémané et à Golgotha, où il se donne  entièrement et pardonne à tous.

L’échange des dons

Pour l’apôtre Paul, l’unité est aussi une grâce et une exigence«  Le Christ est-il divisé », demande Paul aux chrétiens de Corinthe ? (1 Cor. 1,13). Ceux-ci avaient formé des partis dans l’Eglise, Paul rappelle que l’unité est une grande exigence. Il leur lance cet appel : « qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée ». (1,10). La suite de la première lettre aux Corinthiens montre que le secret de l’unité est une vie humble, pure et aimante, à l’image de Jésus Christ, lequel a vécu ainsi, particulièrement dans ses derniers moments sur la croix. C’est pourquoi Paul résume tout son programme dans cette affirmation célèbre : « J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié » (2,2)

Mais avant d’appeler à l’unité cette communauté divisée, Paul rappelle que l’unité est une grâce : « Vous avez été, en Christ, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole, toutes celles de la connaissance, si bien qu’il ne vous manque aucun don ». (1,5-6) L’unité, c’est d’abord la grâce de vivre une communion avec le Christ qui nous remplit de ses dons.

L’unité un don et une grâce, mais aussi un appel et une exigence. Reconnaissons les dons que le Christ a mis dans chaque Eglise et chaque communauté et à les échangeons-les!

Ces escaliers nous le rappellent : Dieu est descendu vers nous pour nous rendre participants à son unité dans l’amour, c’est à dire une unité riche en relations, en diversité. Une unité qui n’est ni uniformité, ni juxtaposition d’opinions différentes, voire divergentes. Mais une unité trinitaire, animée par le souffle de l’Esprit que nous avons à vivre en reconnaissant et en échangeant les dons que Dieu a mis dans nos vies et dans nos Eglises.

Alors marchons avec Jésus sur ces escaliers en cherchant ce qui unit!

Martin Hoegger 

[1]Extrait de « Città Nuova » du 15 décembre 1959


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