« Donne-moi un cœur qui écoute »  

Une des plus belles prières de la Bible est celle de Salomon qui a demandé à Dieu : « Donne-moi un cœur qui écoute ! » (« Lev shoméá » en hébreu, 1 Rois 3,9). Je l’ai approfondi lors d’une récente retraite spirituelle sur le thème du « coeur nouveau ».

Cette prière de Salomon a plu à Dieu. Dans le texte qui suit sa demande on découvre comment Salomon la met en pratique: par son écoute, il arrive à discerner laquelle des deux femmes en conflit dit la vérité (I Rois 3,16-28).

Demander un cœur qui écoute, c’est désirer accueillir la voix de Dieu et se mettre pleinement à sa disposition. Savoir écouter est le don des dons, la chose la plus précieuse. Notre vie change quand nous avons vraiment été écoutés.

Marie est un modèle de cœur qui écoute, elle qui méditait dans son cœur toutes les paroles qu’elle entendait (Luc 2,51). 

Sur mon bracelet de méditation des « Perles du cœur », les deux perles de l’écoute qui entourent la perle du cœur rappellent sans cesse cet appel à se faire un « cœur qui écoute ». Je les touche souvent en redisant la prière de Salomon : « Donne-moi un cœur qui écoute ! »

Mais, la vraie écoute ne va pas de soi et demande une attention permanente. « Un cœur capable de véritable écoute est le signe d’un long travail de libération intérieure de toute forme d’égoïsme plus ou moins subtile ».[1]

Pour que notre cœur écoute vraiment, il a besoin d’être renouvelé, « circoncis » (Rom 2,29 ; Col 2,11). Nous avons à prier sans cesse que Dieu verse en nous l’Esprit, comme une eau pure, ou fasse jaillir des sources vives de notre cœur. Seigneur, crée en moi un cœur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé », « ôte de moi le cœur de pierre, mets en moi un cœur de chair », telle est ma prière constante quand j’égraine les « perles du cœur ». 

Dietrich Bonhoeffer a écrit ce beau texte sur l’importance de l’écoute : « Le premier service dont nous sommes redevables aux autres, c’est de les écouter. De même que le commencement de notre amour pour Dieu consiste à écouter sa Parole, de même le commencement de l’amour du prochain consiste à apprendre à l’écouter. Celui qui estime son temps trop précieux pour pouvoir le perdre à écouter les autres n’aura en fait jamais de temps pour écouter Dieu et le prochain ; il n’aura plus de temps que pour lui-même ».[2]

L’écoute et la croissance spirituelle

Le sens de la vie est de grandir, de porter du fruit. Dieu désire multiplier, faire grandir. Pour cela, il faut beaucoup d’espérance.  

Dans l’Évangile, il y a lien étroit entre l’écoute et la croissance spirituelle. Plusieurs paraboles en parlent. La parabole du semeur se termine ainsi : « Celui qui a été ensemencé dans la bonne terre, c’est celui qui écoute la Parole et la comprend ; il porte du fruit et produit, l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente » (Mat 13,23).

Jésus donne cet avertissement pour nous rendre attentifs à l’importance de bien écouter pour grandir dans la foi : « Faites donc bien attention à la manière dont vous écoutez, car on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il croit avoir » (Luc 8,18). Puis, il déclare : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ». (Luc 8,21)

Tout commence par l’écoute. 

Toute vraie relation, toute vraie communication commence par l’écoute. Elle n’est pas un silence qui attend d’être rempli par les paroles des autres. Il s’agit d’une attitude active qui implique l’attention, le discernement et la volonté de se laisser interroger. Sans écoute, la rencontre et la communication se réduisent à la polarisation et à l’opposition stérile. 

Le commandement le plus important de la loi commence par : « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un » (Deut 6,1). Le fidèle juif le dit chaque jour plusieurs fois. Aux disciples sur la montagne où Jésus est transfiguré, Dieu leur dit une seule chose : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » ! (Mat 17,5) 

Sur le chemin d’Emmaüs, Jésus fait le premier pas, il accueille et s’intéresse aux deux disciples, en leur posant cette question : « De quoi parliez-vous, chemin faisant ? » (Luc 24,17).

Comme c’est intéressant ! Jésus commence par les écouter. Ses premières paroles après sa résurrection sont sous la forme d’une question. Jésus est un maître dans l’art de poser les questions.

La question et l’écoute de Jésus permettent aux disciples de vider leur sac, eux qui étaient sur un chemin de deuil. Jésus les a préparé à recevoir son interprétation des Écritures. 

Le propre de l’homme est de poser des questions et d’écouter. C’est ainsi qu’est construit le rituel du repas de la Pâque dans le judaïsme, où des enfants posent des questions et écoutent les réponses : « Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? ». S’il n’y a pas de questions, on tourne en rond. Pour avancer, je dois poser des questions et prendre le temps de bien écouter. 

Écouter Dieu nous dire que nous sommes bien-aimés

Henri Nouwen, un théologien américain, a écrit : « De nombreuses voix réclament notre attention. Une voix dit : « Prouve que tu es quelqu’un de bien ». Une autre voix dit : « Tu ferais mieux d’avoir honte de toi ». Il y a aussi une voix qui dit : « Personne ne se soucie vraiment de toi », et une autre qui dit : « Assure-toi de réussir, d’être populaire et puissant ».

Mais sous toutes ces voix souvent très bruyantes se trouve une petite voix douce qui dit : « Tu es mon Bien-Aimé, ma faveur repose sur toi ». C’est la voix que nous devons surtout entendre. Entendre cette voix, cependant, demande un effort particulier ; cela demande de la solitude, du silence et une forte détermination à écouter. C’est cela la prière. C’est écouter la voix qui nous appelle « mon Bien-Aimé».  

Alors je vous propose, pour conclure, cette prière : 

Père, aujourd’hui, avec les prophètes et les apôtres,

sur la montagne de la Transfiguration, tu me redis : 

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le » ! (Matthieu 17,5)

Je veux t’écouter me dire de l’écouter.

C’est le plus grand et le premier commandement.

Que je l’aie constamment à l’esprit !

L’écouter avant toute prière, toute parole, toute résolution.

Prendre le temps de cette écoute.

Écouter deux fois plus que parler !

Jésus tu as aussi dit : « Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Luc 8,21)

Seigneur, tu me dis d’écouter.

Écouter ta Parole,

Écouter mon frère et ma sœur,

Écouter mon cœur.

Toi qui donnes ce que tu ordonnes,

Fais-moi la grâce de cette écoute !

Apprends-moi à toujours mieux écouter !

Fais de moi ton disciple,

Toi qui écoutais sans cesse le Père

Et qui accueillait chacun avec bienveillance !

Oui, Seigneur, fais-moi le don de l’écoute

Afin que moi aussi je sois écouté de Toi, des autres,

Et que mon cœur soit dans la joie !


[1] Frère Michael Davide, Humains, jamais trop humains, Salvador, Paris, 2017, p. 31

[2] De la vie communautaire, Cerf, Labor et Fides, Paris, Genève, 2007, p. 85


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