Tant pour Martin Luther que pour Jean Calvin, le cœur est leur symbole.
« Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ». Ce verset avait été choisi par un groupe œcuménique en Allemagne pour les 500 ans de la Réforme en 2017.
J’aime que ce texte d’Ézéchiel – thème de la retraite que j’ai animée récemment – ait été retenu pour cette année car il nous rappelle que la vraie réforme est le renouveau de notre cœur.
Le symbole que Martin Luther a choisi pour résumer sa foi est justement un cœur au milieu d’une rose. Et au centre du cœur, il y a une croix. C’est une manière très parlante d’illustrer la nouveauté de l’Évangile. Quand nous croyons au Christ, lui qui a eu le cœur brisé par la méchanceté (Psaume 69,21) et transpercé par une lance, l’Esprit saint vient habiter dans notre coeur.
La rose de Martin Luther
La Rose de Luther est devenue le logo des Eglises Luthériennes. Voici ce qu’il en dit, dans sa lettre envoyée à Lazare Spengler le 8 juillet 1530:
« D’abord, il y a une croix noire avec un coeur au milieu. Cette croix doit me rappeler que la foi au Crucifié nous sauve! Qui croit en lui de toute son âme est justifié. Cette croix est noire pour indiquer la mortification, la douleur par laquelle le chrétien doit passer. Le coeur néanmoins conserve sa couleur naturelle: car la croix n’altère pas la nature, elle ne tue pas, elle vivifie. le juste vivra par la foi, c’est-à-dire par la foi au Crucifié.
Le coeur est placé au milieu d’une rose blanche qui indique que la foi donne la consolation, la joie et la paix. la rose est blanche et non rouge, parce que ce n’est pas la joie et la paix du monde mais celle des esprits; le blanc est la couleur des esprits et des anges.
La rose est dans un champ d’azur, pour montrer que cette joie dans l’esprit et dans la foi est un commencement de la joie céleste qui nous attend; celle-ci y est déjà comprise, elle existe déjà en espoir, mais le moment de la consommation n’est pas encore venu.
Dans ce champ, vous y voyez aussi un cercle d’or. Il indique que la félicité dans le ciel durera éternellement et qu’elle est supérieure à toute autre joie, à tout autre bien, comme l’or est le plus précieux des métaux».
Comme Paul le dit : « Si ton coeur croit que Dieu l’a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (Romains 10.9). Le salut signifie cette venue de l’Esprit saint dans notre cœur qui nous assure que nous sommes aimés et accueillis par Dieu, pardonnés et libérés, renouvelés pour vivre et aimer comme Jésus.
Quand notre cœur croit au Christ, l’Esprit saint fait fleurir notre vie comme une rose ! La foi au Christ nous donne de vivre cette « transplantation cardiaque spirituelle » qu’a annoncé le prophète Ézéchiel « Je vous donnerai un coeur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j’enlèverai de votre corps le coeur de pierre et je vous donnerai un coeur de chair. » (36,26). Désormais, « ce n’est plus moi qui vit mais le Christ en moi » (Galates 2,20).
Jean Calvin : « Offrir son cœur »

Jean Calvin a pris comme symbole un cœur qu’une main offre à Dieu, avec la devise : « Seigneur, je t’offre mon cœur, promptement et sincèrement ». Ci-dessus, un logo du 500e anniversaire de sa naissance en 2009, aux USA.
Offrir son cœur à quelqu’un est une déclaration d’amour. Pour Calvin, la foi est donc un amour exclusif pour Dieu. C’est exposer son cœur aux rayons de l’amour divin pour qu’il s’enflamme. « Prompt » indique la disposition de l’esprit qui répond sans remettre à plus tard, sans hésitation. La juxtaposition « prompt et sincère » se trouve aussi chez Tertullien, Thomas d’Aquin et Catherine de Sienne pour décrire soit la pénitence, soit l’obéissance à Dieu.
La réponse de Calvin à l’amour de Dieu veut être radicale : une offrande de son cœur. Il décide de mettre Dieu désormais en premier dans sa vie, de lui appartenir et de lui soumettre sa volonté.
Dans une lettre à Guillaume Farel, qui l’implorait de revenir à Genève alors qu’il exerçait son ministère à Strasbourg après avoir été chassé de Genève, Calvin écrit : « Si j’avais le choix, je préférerais faire n’importe quoi, plutôt que de t’obéir, mais comme je me rappelais que je ne m’appartiens pas, j’offre mon cœur en sacrifice, offert au Seigneur. (…) Je soumets donc mon cœur, lié et enchaîné, en obéissance à Dieu : et en quittant mon propre jugement, je me mets à disposition de ceux dont j’espère que c’est Dieu même qui parle à travers eux ».
Pour Calvin, la foi est donc davantage confiance que connaissance. Le cœur doit être touché avant le cerveau. L’expérience éclaire l’intelligence. La vraie théologie n’est pas une science théorique, mais pratique. C’est le cœur, le centre de la personnalité qui répond à l’amour de Dieu : « l’assentiment que nous donnons à Dieu est au cœur plutôt qu’au cerveau, et d’affection plutôt que d’intelligence ». (Institution chrétienne 3,2,8)
Le Christ ne veut pas nos œuvres si belles soient-elles, mais notre cœur. Gardons donc notre cœur plus que tout ! Ne permettons pas à d’autres de nous séduire ! Seul lui peut nous appeler à le suivre : « Venez à moi, car je suis doux et humble de cœur » !
Embrasser la croix du Christ avec le coeur

Pour Martin Luther, la foi est une connaissance du Christ et une confiance du cœur. Luther distingue une foi historique qui ne sauve pas, d’une foi salutaire par laquelle le croyant met toute sa confiance en Jésus-Christ. Une foi qui « saisit le Christ » : « Si elle est une foi authentique, elle est une confiance assurée du cœur et un ferme assentiment, par quoi Christ est saisi ».[1]
Luther parle de manière très vivante de cette foi accueille l’amour du Christ, les mains vides, qui ne peuvent que saisir ce que Dieu donne.
Dans la cathédrale luthérienne de Sibiu en Roumanie, on voit ce tableau où, au pied de la croix du Christ, une personne l’embrasse avec ses deux mains.
Les deux textes cités sont la parole de Jésus : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos ». (Matthieu 11) et une citation du prophète Isaïe sur le serviteur souffrant, le juste qui a souffert pour les coupables (chap. 53).
La foi, c’est venir à lui, l’embrasser et le « saisir par la foi » : « Christ, saisi par la foi et habitant dans le cœur, est la justice chrétienne à cause de laquelle Dieu nous répute justes et nous donne la vie éternelle ».[2]
[1] WA 40,I,228,12-229
[2] WA 40,I,228,28-30