Qu’est-ce que la famille ? Les sciences humaines et sociales en donnent les définitions les plus diverses. Selon l’Écriture, il nous suffit de dire qu’elle est le modèle de tous les autres projets de Dieu. Dieu fait exister l’humain en famille dès le commencement. En prenant notre chair, il a lui-même vécu dans une famille. Et lorsque Jésus inaugure sa mission à Cana, c’est au cœur d’une fête de noces, symbole d’une nouvelle famille.
En elle se reflètent la beauté de la création, l’ombre de la rupture originelle et la lumière de la rédemption en Jésus-Christ. Trois textes guideront les trois moments de cette prédication.
La beauté de la famille
« Il les créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa » (Genèse 1.26-29)
En faisant surgir l’humain, Dieu a créé un homme et une femme, appelés à la rencontre. L’être-en-relation constitue le genre humain ; il fait partie de sa nature, comme inscrit dans son ADN, pourrait-on dire. Dieu forme également la famille, car il appelle l’homme et la femme à la fécondité et à la responsabilité envers la création.
« À l’image de Dieu » : l’homme et la femme sont appelés à refléter Dieu, dont l’être est amour. Le Nouveau Testament révélera le mystère de cet amour du Père pour le Fils, si grand qu’il se donne lui-même. Les relations dans la famille s’enracinent dans cet amour trinitaire. Le Nous divin est la source du nous familial, où chaque membre trouve son bonheur en se donnant à l’autre, à l’image du Fils s’offrant au Père.
La famille est un écrin qui abrite un trésor : le diamant des relations entre ses membres. Ces relations sont appelées à refléter ici-bas la volonté d’amour de la Trinité, « comme au ciel ». Cet amour relie tous les membres de la famille, proche ou élargie, et s’ouvre naturellement aux amis, aux voisins, aux lointains. C’est cet amour — et rien d’autre — qui constitue la famille. Dieu a taillé la famille comme un merveilleux diamant aux mille facettes.
Si l’éclat de ce diamant s’est terni, c’est parce que l’amour a faibli. Mais Dieu a créé la famille pour que ce diamant brille de toute sa splendeur, celle de Nazareth. Joyau de la société humaine et reflet de la vie de la Trinité, où l’amour unit les personnes, la Sainte Famille demeure le modèle de toute vraie réciprocité.
Les ombres de la famille
« Il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu’à la neuvième heure » (Marc 15.33-41)
Dans le contexte actuel, la beauté de la famille selon l’intention divine paraît presque inaccessible. Notre culture exalte l’individu et la satisfaction de ses besoins, plutôt que la personne en communion. On souligne davantage les différences et les antagonismes au sein de la famille que les valeurs relationnelles. Les familles se disloquent, surtout parmi les plus fragiles socialement. Des lois contraires au développement intégral et une politique familiale timorée conduisent à une baisse de natalité. Peu à peu, les consciences en viennent à croire que ce qui est légal est aussi moralement licite, avec pour conséquence un profond dérèglement.
De plus, la mondialisation accentue à la fois le modèle malsain de la consommation et la fragilisation des familles, notamment dans les pays les plus pauvres.
Alors, existe-t-il encore un écrin pour le diamant ? Les familles ne sont-elles pas devenues le gouffre de la douleur universelle ? Combien de souffrances, muettes ou criées ! Combien de pourquoi, de ruptures, d’abandons, de déchéances ! Existe-t-il un avenir pour la famille ?
Toutes ces ombres, Jésus les a portées. Il a connu l’angoisse, la trahison, l’abandon des siens, jusqu’à éprouver sur la croix la déréliction la plus totale. Jésus avait perdu ses disciples, sa famille spirituelle. Sur la croix, il confie sa mère à Jean : il ne lui restait plus rien, sinon son union avec Dieu. Mais avant de mourir, il fait l’expérience de l’abandon. Il vit la division la plus profonde en perdant, pour un instant, la communion avec son Père. Il crie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Toute division familiale ne trouve-t-elle pas un écho dans ce cri ? Il n’y a pas d’échec familial qui ne renvoie aux ténèbres subies par le Christ. Personne divine en communion, il s’est fait individu coupé de toute relation — par amour pour nous. Pour qu’aucune de nos douleurs ne lui soit étrangère. En le rencontrant dans les visages et les situations qui rappellent son abandon, nous découvrons la puissance de sa résurrection, qui transforme toute douleur en amour.
Une lumière pour la famille
« Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Matthieu 18.19-22)
La rencontre avec l’homme-Dieu peut devenir une source où la mort se change en résurrection, où les crises familiales deviennent un approfondissement de la relation.
Un exemple peut l’illustrer. Victorine, mère de jumeaux de dix ans, divorcée, vit avec un ami. Bientôt, elle se retrouve à nouveau enceinte… de jumeaux. Son compagnon l’abandonne. Son respect du Créateur la pousse pourtant à protéger la vie qui grandit en elle, malgré les pressions contraires. Des familles s’organisent alors pour l’entourer et l’aider dans cette période difficile. Cet amour concret la conduit à se tourner vers ce Dieu lui aussi trahi et abandonné, qui lui donne la force de pardonner.
Un an après la naissance des jumeaux, elle me contacte pour préparer leur baptême. Je la rencontre une première fois, puis avec les parrains et marraines. Le père est invité ; il garde le silence. À la fin, il dit combien il a été touché par l’atmosphère de la soirée. Le baptême sera une fête de l’Esprit, celui qui ouvre de petites voies vers les cœurs.
Au contact de Jésus, proche de chaque souffrance, bien des familles apprennent à ne pas désespérer. Parfois elles se réunissent, parfois elles demeurent séparées, mais les blessures se cicatrisent, les cœurs se réconcilient. Parfois la douleur persiste, mais elle est habitée par la présence du Christ qui sauve et allège le fardeau.
En puisant à la source de l’eau vive, à l’amour du Christ, la famille peut redevenir cet écrin à diamants. C’est lui qui étanche la soif de communion authentique. Bien plus, il promet de venir habiter nos maisons. Le diamant, c’est sa présence de Ressuscité, offerte à ceux qui s’unissent en son nom.
Vivre de telle manière que Jésus puisse venir au milieu de nous, telle est la vocation de la famille — comme de toute communauté humaine. Aujourd’hui, la famille chrétienne doit se reconnaître comme une cellule vivante de l’Église, qui est avant tout communion dans l’Esprit : là où il y a amour et charité, le Christ est présent.
Quoi de plus beau sur la terre qu’une famille dont les membres sont unis au Christ et les uns aux autres ? Où trouver un diamant plus précieux que celui-ci ?
Jésus frappe à la porte de chacune de nos familles, grandes ou petites, fortes ou fragiles.
Voulons-nous entendre sa voix, le laisser entrer et s’asseoir à nos tables ?
Photo: Adobe Stock
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