Lors d’une prière au gîte El Jiré (« Dieu pourvoit ») à Montpreveyre (canton de Vaud), j’ai tracé un parallèle entre la parabole de la brebis perdue et l’expérience du pèlerinage. Le thème de cette parabole peut être résumé en trois actions : se perdre, retrouver, célébrer (Luc 15,3-7 inspiré par la « Parole de Vie » du mois de septembre).
Se perdre
La parabole commence par une perte : une brebis manque à l’appel. Sur un chemin de pèlerinage comme dans nos vies, il existe des instants où l’on ne sait plus comment avancer. Les déserts du doute, de la souffrance, de la transgression ou du rejet assombrissent la marche.
Il est intéressant de lire que le Psaume 119 se termine par ce cri: « Je suis errant comme une brebis perdue : recherche ton serviteur, car je n’ai pas oublié tes commandements. » (v. 172) Les psaumes suivants (120 à 134) sont appelés « chants des pèlerinages. » On pourrait dire que la reconnaissance de notre condition de « brebis perdue » est le point de départ de tout vrai pèlerinage. C’est quand j’avoue : « Je ne peux pas arriver par moi-même » que je deviens pèlerin, que je commence à marcher vers la maison de Dieu. Autrement dit : l’aveu de ma perte ouvre la route de ma rencontre avec Dieu.
Le message de Jésus est clair : nous ne sommes jamais oubliés. Même si nous nous égarons, le Christ compte et veille. Il vient à notre rencontre et sa voix douce et forte nous appelle.
Retrouver
Le pèlerin apprend à retrouver son chemin grâce à des signalisations : une coquille, un poteau jaune, une flèche sur le sol. De même, Dieu laisse des signes sur notre route : une parole de l’Évangile qui nous rejoint, un frère ou une sœur qui nous tend la main, une table qui nous accueille.
Le Christ nous retrouve. Il nous prend sur ses épaules, il porte notre fatigue, prend soin de nos blessures. Retrouver, c’est faire l’expérience de la miséricorde. C’est renaître à une confiance que nous avions perdue. C’est comprendre que nous ne marchons pas seuls.
Fêter
Quand la brebis est retrouvée, le berger appelle ses amis pour faire la fête. Quelle belle image ! Le salut n’est pas un événement solitaire : il est toujours communautaire. Dans l’Évangile, la joie de Dieu déborde et rassemble.
Quand il arrive au but, le pèlerin sait qu’il n’a pas marché seul. La fête est partagée : avec les autres pèlerins et bien d’autres personnes.
C’est l’expérience que j’ai faite, il y a quelques années, quand je suis arrivé à Saint Jacques de Compostelle, la veille de la fête de Saint Jacques, le 24 juillet. J’étais sur la grande place de la cathédrale avec tous ceux qui avaient marché et bien d’autres. Cela fut un grand encouragement d’être ensemble. Je prie que Dieu donne aux pèlerins qui passent par ce gîte la persévérance pour aller jusqu’au bout et vivre cette joie.
Devenir bergers les uns pour les autres
En conclusion, le pèlerinage nous apprend à devenir bergers les uns pour les autres. Sur le chemin, on encourage celui qui est fatigué, on attend celui qui traîne, on soigne les ampoules de celui qui boîte. De même, dans nos communautés, nous sommes appelés à partir à la recherche de ceux qui sont absents, oubliés, marginalisés.
Chaque fois que nous faisons une place à celui qui s’était éloigné, nous devenons signe du Berger qui porte, relève et réjouit.
En avril dernier, le lundi de Pâques, j’ai marché sur le chemin d’Emmaüs, depuis Jérusalem. A la fin, j’étais vraiment fatigué. Et dans la dernière montée, j’étais exténué. Mais un jeune qui s’appelait Martin comme moi, a marché à mon rythme et m’a accompagné. Je lui ai dit : « Martin, tu es pour moi comme le manteau de Saint Martin ». J’ai compris que le vrai pèlerin est celui qui marche au rythme du plus lent.
N’est-ce pas le secret de l’encouragement ? ne pas courir seul, mais avancer ensemble, au pas du frère ou de la sœur qui a besoin d’être porté.
Conclusion
Souvenons-nous de ces trois mots :
Se perdre – cela arrive à chacun de nous.
Retrouver – c’est le don du Christ qui nous porte.
Célébrer – c’est la joie de Dieu qui déborde dans la communauté.
Alors, ce soir, laissons résonner en nous la voix du Berger :
« Réjouissez-vous avec moi, car je l’ai retrouvée, ma brebis qui était perdue ! »