Les démarches avec les « Perles du coeur » sont multiples. Cette page de mon site internet en propose plusieurs. J’aimerais proposer de vivre la « lectio divina » avec ces perles. (sur la lectio divina en général, voir ici)
Je rappelle que ce bracelet comporte douze perles: quatre fois trois perles de couleurs blanches, rouges, jaunes et bleues (voir l’introduction ici) Pour méditer un texte, j’égrène les perles du bracelet et réfléchis à ces quatre questions:
- quelle est la confiance qui s’exprime dans le texte (perles blanches) ?
- Quelles sont les blessures qui s’y vivent (perles rouges) ?
- Quelle est la lumière qui en jaillit (perles jaunes) ?
- Quel est le chemin qui s’ouvre (perles bleues) ?
Je me pose ces questions en vivant les trois étapes de la lectio divina (lecture, méditation, prière) au moyen des trois perles de chaque couleur :
- Avec la première perle, je me demande ce que le texte dit (temps de la lecture)
- Avec la deuxième perle, je me demande ce que le texte me dit personnellement dans ma vie (temps de la méditation)
- Avec la troisième perle je prends un moment de prière pour répondre au Christ qui veut me visiter à travers le texte (temps de la prière)
D’abord je vis ces trois étapes avec les perles blanches de la confiance (quelle confiance s’exprime dans le texte ; en quoi est-ce que cela me rejoint dans ma vie ; quelle prière puis-je dire ?)
Puis de la même manière avec les perles rouges des blessures, les perles jaunes de la lumière et les perles bleues du chemin.
Ces quelques lignes inspirées par les quatre couleurs des perles résument toute ma prière :
Dans la vie et la mort je t’appartiens,
O Jésus, mon unique assurance.
J’ai confiance en toi.
Guéris mes blessures !
Tu es ma lumière.
Sois mon chemin !
Un temps de lectio divina avec les perles
Je propose cinq étapes pour un parcours à vivre seul ou en groupe. Elles sont proches des temps de la « lectio divina » : la préparation – la lecture – la méditation – la prière – la communication. Prenons-les les unes après les autres !
1. La préparation
Au début, le temps de préparation consiste essentiellement en une invocation de l’Esprit saint. C’est l’Esprit qui a visité Marie, qui a reposé en plénitude sur le Christ, qui a animé les apôtres et inspiré les Ecritures. Je lui demande de venir et de demeurer dans mon cœur. Je l’invoque en touchant la perle du cœur et les deux perles vertes de l’écoute qui entourent le coeur. Je lui demande de me donner un « cœur qui écoute ».
L’Esprit est celui qui crée, libère et sanctifie. L’Esprit Saint est « la chose bonne » que le Père promet à ses enfants (Luc 11,13). Sa lumière nous permet de discerner la Parole, le Christ.
2. Le temps de la lecture avec la première perle
Je touche la première perle en lisant et relisant le texte choisi. Ou bien en l’ayant à l’esprit si je n’ai pas de Bible avec moi. Pendant ce temps, l’important est le silence. Il est le signe que nous sommes là non seulement pour écouter, mais pour avoir un contact actif avec le texte. Ou encore en imaginant la scène évangélique.
L’imagination est une faculté donnée par Dieu, comme l’intellect et la volonté. Mais est-ce que nous l’utilisons vraiment dans notre vie spirituelle ?
L’important est d’avoir un contact actif avec le récit du mystère, d’y entrer personnellement, de lutter avec lui comme Jacob avec l’ange.
Il faut se demander ensuite quelles résonances bibliques ce récit évoque en nous. C’est le principe de l’analogie des Ecritures, qui s’interprètent d’elles-mêmes. Les textes parallèles éclairent le message et permettent d’entrer plus pleinement dans la Parole.
C’est ainsi que Marie méditait les Écritures, comme en témoigne le chant du Magnificat qui est comme un collier de textes tirés de l’Ancien Testament (Luc 1,46-55)
Durant ce temps de lecture du texte, il faut aussi avoir à l’esprit sa relation avec le projet de salut de Dieu. Quel est le lien du récit avec Jésus, le Messie souffrant d’Israël, le Seigneur ressuscité qui vit dans l’Église, là où deux ou trois sont rassemblés en son nom ?
3. La méditation du texte avec la deuxième perle
Dans le temps de lecture, j’interroge ce que dit le récit. Dans celui de la méditation je touche la première petite perle et me demande ce qu’il me dit à moi aujourd’hui dans ma vie, dans le monde, dans l’Eglise. Comment me rejoint-il ? Mais pour lire sa vie à la lumière de l’Evangile, il faut aussi écouter l’Esprit saint qui vit en moi. « Il demeure auprès de vous et il est en vous », dit Jésus à son sujet. (Jean 14,17)
Le philosophe juif Franz Rosenzweig (mort en 1929) écrivait à ce sujet : « Pour apprendre ce qui se trouve dans la Bible, il faut deux choses : écouter ce qu’elle dit, et prêter l’oreille au battement du cœur humain. La Bible et le cœur disent la même chose ».
Pour méditer il y a trois étapes. D’abord se concentrer sur un verset, une phrase, un mot, une image, une scène évangélique. Puis répéter intérieurement la phrase ou les mots, les images. Et enfin faire le lien avec notre vie.
Les Pères de l’Eglise parlent de cet exercice de répétition comme une sorte de « rumination »[1], pour indiquer que la Parole doit être assimilée, mangée, digérée, comme Ezéchiel devait le faire: « Fils d’Homme, prends ce livre ! … Mange-le ! … Il deviendra du miel dans ta bouche… Ezéchiel, ouvre ton cœur et tes oreilles à mes paroles et retiens-les bien ! » (Ezéchiel 3,1-10).
L’Evangile de Luc nous présente Marie comme celle qui « médite profondément les paroles dans son cœur ». (Luc 2,19) Elle est en quelque sorte le modèle du méditant qui assimile la Parole.
4. La prière à partir du texte avec la troisième perle
Durant ce moment je caresse la troisième perle et réponds au Christ, qui me parle à travers le mystère. Je puise dans les mots de l’Evangile, les mots de la prière. Je découvre que la prière est une réponse à ce que Dieu m’a déjà dit dans sa Parole. Augustin parle de ce mouvement quand il écrit : «Quand tu écoutes, Dieu te parle; quand tu pries, tu parles à Dieu.[2] ». Il dit encore : « Cherche à ne rien dire sans lui et lui ne te dira rien sans toi ». Ce qui veut dire qu’il faut prier avec les images et les mots du texte biblique. Une belle image pour exprimer cette pratique de la prière biblique se trouve dans un écrit anonyme du Moyen-Age : «L’Ecriture est le puits de Jacob d’où l’on extrait les eaux que l’on répand ensuite en oraison[3]».
Parler au Christ avec ses propres paroles, c’est le premier fruit de cet exercice. Une des plus belles prières est le Cantique de Marie, le Magnificat qui est une tapisserie de versets bibliques de l’Ancien Testament animés par le souffle de l’Esprit qui a visité la Vierge (Luc 1,46-55).
5. La communication.
A la fin d’un parcours, j’écris parfois une prière ou une réflexion. Cela me permet de garder une trace du chemin parcouru. Dans un temps vécu en groupe, chacun est invité, s’il le désire, à la partager avec les autres. A ce sujet, un texte de la Réforme dit : « Il est bon de mettre ses idées par écrit pour les comparer à ce qui viendra ensuite. Car dans la voie de Dieu, sans cesse il faut combattre, et en outre, la mémoire étant faible, il nous est bon d’avoir, à l’occasion, quelque chose en réserve. Grâce à cet exercice, nos cœurs deviennent un arsenal pour Dieu, le Seigneur, où sont cachées les armes spirituelles à utiliser contre les attaques insidieuses du diable.[4] »
Dans la vie spirituelle, il est important de ne pas garder pour soi ce que nous avons reçu. C’est évident dans le récit de l’Annonciation suivi par la Visitation. Que fait Marie après avoir été visitée par l’Ange qui lui annonce la grande nouvelle de l’incarnation ? Elle se rend en hâte chez sa cousine Elisabeth pour la lui communiquer.
Il nous faut aussi apprendre à communiquer. Cela se fait de manière très naturelle dans un petit groupe. Les temps de silence encouragent même les plus timides à partager ce qu’ils ont découvert, à parler en « Je ».
Or qu’est-ce que nous vivons en partageant notre vie spirituelle ? Non seulement nous communiquons la vie et nous encourageons les autres, mais en retour nous recevons aussi une grâce. La vie que nous faisons circuler en osant le partage et le témoignage nous fortifie et attise le feu de l’Esprit. De cette manière nous construisons aussi des relations profondes au-delà de tout clivage.
[1] Voir la Règle de Pacôme, n° 122, in P. Deseille : L’esprit du monachisme pacômien, Bellefontaine, 1968, p. 38.
[2] Augustin : Sur le Psaume 85,1, PL 37, 1082.
[3] Jean Leclerc, L’Amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, 1957, p. 73.
[4] Actes du Synode de Berne, 1528.