Emmaüs : quatre tactiques pour ranimer l’espérance

Charles Péguy écrivait au sujet de l’espérance : « Le facile et la pente est de désespérer et c’est la grande tentation ».

C’est pourquoi il invite à ranimer la « petite fille espérance ». Comment Jésus s’y prend-il pour rallumer l’espérance ?

En relisant le récit des disciples d’Emmaüs. Jésus a quatre tactiques :

  • D’abord il marche sur nos chemins
  • Puis il nous rencontre comme une personne.
  • Ensuite, il nous fait relire notre passé à la lumière des Écritures.
  • Enfin il nous rencontre à travers la Sainte cène.

Je vous propose donc une méditation sur le chemin d’Emmaüs en quatre moments :

  • Un chemin
  • Une rencontre
  • Une parole
  • Un repas

Le chemin

Commençons par le chemin !

Emmaüs est un grand texte pour la spiritualité du pèlerinage, où nous marchons ensemble et faisons halte sur le chemin.

Un chemin sur lequel le Ressuscité nous rejoint à travers sa Parole.

La vie chrétienne est une marche. Le verbe marcher – poreuomai en grec – est important dans l’évangile de Luc.

Il exprime en particulier la détermination de Jésus s’avançant vers Jérusalem pour affronter son tragique destin.

Les disciples marchent mais ils ne savent pas encore qu’ils ne sont pas seuls.

La répétition de ce verbe dans ce récit n’est pas fortuite.

La marche représente la vie des humains comme des croyants et elle doit parvenir à un terme, fut-il provisoire.

Ce récit nous présente aussi ce qu’est l’Église au sens profond : une Église en chemin. Une Église « synodale », où nous avançons ensemble (le terme « synode » signifie justement en chemin ensemble)

La Rencontre

Emmaüs nous parle aussi de nos difficultés à marcher ensemble.

Pour désigner la conversation entre les disciples, le texte utilise deux verbes : d’abord « homileo », s’entretenir, converser de manière sérieuse.

Et « suzeto » qui signifie discuter avec vigueur, se disputer. En chemin les disciples divergeaient d’opinion dans leur interprétation des événements récemment passés à Jérusalem. Bref, ils se disputaient !

« Jésus lui-même s’approcha … et fit route avec eux » (v. 15)

Puis Jésus demande aux disciples : « De quoi parliez-vous, chemin faisant ? »

Intéressant ! Les premières paroles de Jésus après sa résurrection sont sous la forme d’une question.

Par le dialogue, Jésus construit une amitié et une confiance avec les disciples en chemin.

Après avoir écouté l’autre jusqu’au bout, le chrétien est aussi amené à témoigner de l’espérance qui l’habite. Et souvent cela se passe lors de la convivialité d’un repas.

Ce qui arrive ensuite ne nous appartient pas. C’est le Christ qui peut toucher un cœur et l’enflammer de la conviction qu’il est vivant.

Mais la rencontre entre Jésus et les disciples est d’abord difficile. Elle se passe mal…Mais Jésus ne se décourage pas. Il veut la relation.

D’abord les disciples expriment leur désapprobation à l’égard de celui qui les interpelle de manière non verbale (v. 17-18).

Ils ont « l’air sombre ». Le sens de ce mot vacille entre tristesse, sévérité, bouderie, lassitude, mauvaise humeur, trouble, inquiétude.

Puis la réponse de Cléopas à Jésus est agressive. Je l’imagine en train « d’engueuler » Jésus : « Es-tu le seul qui ne sait pas ce qui s’est passé, ces jours à Jérusalem » ?

Malgré les témoignages sur le tombeau vide par les femmes et les paroles des anges, les deux disciples n’ont pu croire que Jésus était vraiment ressuscité.

Voici aussi un grand texte sur le doute et la difficulté de croire.

Avec les disciples d’Emmaüs, nous marchons avec le grand cortège de douteurs pour qui la résurrection reste une impossibilité.

 

La Parole

« Il leur fit l’interprétation de ce qui, dans toutes les Écritures, le concernait » (v. 27)

Emmaüs est surtout un chemin d’Évangile

Par le dialogue, Jésus a construit une relation avec eux. L’hostilité première des disciples a fait place à l’écoute et au respect.

C’est alors que Jésus commence à ouvrir les Écritures pour témoigner qui il est en vérité.  

De même, c’est en construisant une relation que je peux témoigner et même interpeller, comme le fait Jésus : « Gens sans intelligence, coeurs lents à croire tout ce qu’ont annoncé les prophètes » !

L’accusation porte non sur le fait de ne pas l’avoir reconnu chemin faisant, ni de n’avoir pas cru les femmes qui ont déclaré l’avoir vu vivant, ni encore de ne pas avoir cru les annonces de sa passion et de sa résurrection.

Mais l’accusation de Jésus porte sur la lecture des Écritures. Ils n’ont pas compris ce qui le concerne dans les Écritures. Ils sont « sans d’intelligence » et leur « cœur (est) lent à croire ».

La lecture des Écritures fait appel à la raison et au cœur. Elle est en même temps intellectuelle et croyante.

Il ne faut pas opposer une lecture spirituelle et croyante des Écritures à la lecture studieuse et académique.

 

Le repas

Ce repas à Emmaüs est le premier de Jésus après sa résurrection. D’autres suivront. Le livre des Actes des Apôtres s’ouvre avec un repas. Et après Pentecôte, c’est par son Esprit que Jésus participe au repas qu’il a institué avant sa passion.

Il n’est pas difficile de reconnaître dans le geste de la fraction du pain, le geste que Jésus a fait, la nuit où il a été livré. La révélation du Ressuscité aux disciples a un cadre eucharistique.

Après avoir expliqué aux disciples la Parole de Dieu, Jésus se manifeste à eux durant son repas.

Le lecteur de l’Évangile peut alors s’identifier avec les disciples, car lui aussi a sondé les Écritures et partagé la Cène pour rencontrer le Christ, dans l’intelligence de la foi et la brûlure du cœur.

Parole et sacrement sont à jamais les deux marques essentielles de la vie des chrétiens. Elles sont au cœur de la vie de l’Église.

La Cène (ou l’Eucharistie) nous centre à chaque fois sur le cœur de notre foi : Jésus Christ mort pour nous et ressuscité pour nous communiquer sa vie.

Elle nous permet de comprendre l’Écriture dans la perspective de Pâques, qui est celle, je crois, que Jésus a voulue.

Plus je participe à la Cène, mieux je comprends que le centre de toute l’Écriture est Jésus crucifié qui s’est donné pour moi afin que je me donne aux autres. Et Jésus qui est ressuscité pour nous afin de vivre parmi nous.  

La Cène nous conduit à mettre chaque passage de la Bible en relation avec lui.

Une célébration fréquente de la cène ouvre nos yeux sur le Christ, sans cesse menacés de cataracte spirituelle.

Ce récit nous fait comprendre que la Cène n’est pas seulement une évocation du dernier repas, mais surtout une rencontre avec Jésus.

Une prière

Père,

Béni sois-tu pour Jésus, ton Fils que tu as envoyé pour tracer un chemin d’espérance.

Il est entré dans nos prisons pour nous libérer.

Il a pris sur lui nos brisures pour nous guérir.

Il a aimé jusqu’à l’extrême pour nous réconcilier.

Par lui nous sommes délivrés de la peur de la mort.

En lui renaît l’espérance d’un monde nouveau, juste et en paix.

.

Pour d’autres méditations sur Emmaüs, voir ici


Publié

dans

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *