Jesus au milieu

L’Eglise, un espace de relations. Retraite

Le chapitre 18 de l’Évangile de Matthieu forme une unité et traite des relations dans l’Église. Il culmine dans l’affirmation de Jésus « Emanuel », « Dieu avec nous »: « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (v. 20). L’Eglise est avant tout cet espace où il peut se rendre présent, à travers nos relations.

Jésus commence par donner la « loi du Royaume de Dieu », l’humilité (v. 1-5) et appelle à la vigilance par rapport aux scandales (v. 6-9). Ce qui détruit les relations est le mépris (v. 10-14). L’offensé doit interpeller l’offenseur (v. 15-18). La prière communautaire est indispensable : Jésus promet sa présence (v. 19-20). Le pardon est sans limites, « jusqu’à 70 fois 7 fois » (v. 21-35).

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Tout cela est impossible sans l’action de l’Esprit saint. C’est pourquoi au début de cette retraite je vous invite à l’invoquer :

 

Invocation à l’Esprit saint

Esprit saint, en toi le Père et le Fils

se donnent l’un à l’autre depuis toujours.

Par toi tout a été créé.

Par toi le Père a envoyé le Fils dans le monde.

Par toi les prophètes l’ont annoncé.

Par toi Marie, la fleur de l’humanité, a été visitée.

Par toi Jésus, l’agneau innocent, s’est offert.

Par toi il est ressuscité et élevé auprès du Père.

Par toi les apôtres ont été transformés.

Par toi les martyrs ont persévéré.

Par toi la Parole s’illumine.

Sans toi rien ne fleurit ni ne guérit.

Viens, Esprit saint,

Pénètre-nous et ouvre notre cœur !

Libère-nous et transforme-nous !

Envoie-nous et unis-nous.

Que par toi, nous nous donnions les uns aux autres,

Comme le Père et le Fils se donnent l’un à l’autre !

 

v. 1-5 La loi du Royaume de Dieu : l’humilité

Alors que les disciples se demandent qui est le plus grand Jésus leur donne « la loi du Royaume », l’humilité.

Cette loi est enracinée dans l’incarnation du Fils de Dieu : il est descendu du ciel sur la terre. Il s’est abaissé : Dieu est devenu petit enfant 

Donc il faut « se faire petit comme un enfant ». L’enfant, comme le pauvre, ne peut que recevoir. Et recevoir avec joie ce qu’on lui donne.

Jésus accomplit un « acte prophétique » : il soutient ce qu’il enseigne par un geste si parlant : il met  un enfant au milieu du cercle des disciples. Il est dans la ligne des grands prophètes de l’Ancien Testament.

Comme eux sa parole est tranchante : sans un changement radical, tu n’entres pas dans le Royaume de Dieu. Le changement demandé est l’humilité. Il est exigé particulièrement de ceux qui exercent une autorité dans la communauté.

L’humilité est la pierre de touche de toute autorité. Sans elle les « grands » entraînent la chute de beaucoup (versets suivants).

De plus il faut « accueillir » le petit : l’amour est la deuxième loi du Royaume. En l’accueillant, on accueille Jésus qui reprendra cet enseignement dans la parabole du jugement dernier : « ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mat 25,40)

  • Quel lien est-ce que je fais entre l’incarnation de Dieu en Jésus et mon comportement ?
  • Que représente pour moi l’humilité chrétienne ?

 

Tu nous appelles à changer en devenant comme les enfants,

et à nous faire petits comme eux.

Nous le désirons.

Mais regarde comme notre orgueil et notre vanité nous ligotent !

Chaque jour nous avons besoin de ta grâce qui fait le premier pas.

Chaque jour nous nous tournons vers toi pour tout recevoir de toi.

Chaque jour nous avons à lutter le beau combat de la foi.

Chaque jour nous avons à prendre soin les uns des autres.

Chaque jour nous avons à mettre les enfants au milieu de nous.

Qui d’autre que toi peut nous changer ?

Toi, Jésus que nous rencontrons en eux,

toi qui se mêle à nous quand nous les accueillons.

 

v. 6-9 les chutes : vigilance et mesures radicales.

Jésus adresse une sévère mise en garde concernant les chutes. Il y en a de deux sortes : les scandales publics et les chutes personnelles.

a) Ceux qui sont scandalisés par notre comportement et font chuter des « petits qui croient en moi». Les enfants des versets précédents deviennent les petits, qui, avec les pauvres, forment un groupe cohérent : c’est à eux que le Royaume est d’abord promis et c’est d’eux qu’il faut d’abord prendre soin.

« Malheureux » : il s’agit davantage d’une lamentation qu’une malédiction. Jésus dit cela dans les larmes.

 

b) La chute personnelle. Les v. 8-9 reprennent Mat 5,29-30.

A chacun de s’examiner pour voir ce qui entraine sa propre chute.

A quoi sert en effet gagner le monde entier si l’on ruine son âme ? 

Au moyen d’hyperboles rhétoriques Jésus appelle à prendre des mesures radicales. Les verbes « couper, jeter, arracher » le disent avec force. Dieu nous veut vivants et heureux : il faut donc émonder tout ce qui va contre la vie, tout ce qui ne produit pas un fruit de justice (cf Jean 15)

C’est un appel à vivre l’instant dans la volonté de Dieu, juste, bonne et sainte !

Et à résister de toutes ses forces à tout ce qui pourrait nous en distraire.

  • Quels sont aujourd’hui les comportements ou les paroles scandaleux qui, dans le monde (v.7) et dans l’Église entraînent la chute et éloignent de l’Évangile ?
  • Qu’est ce qui me scandalise ?
  • Quelles sont mes fragilités avec lesquelles je dois exercer une vigilance ? 

 

Père, à chaque instant

J’ai besoin de ton Esprit.

Qu’il me maintienne dans la vigilance

Pour accueillir ta volonté sainte !

Qu’il me donne la détermination

De couper tout ce qui m’éloigne de toi

et de noyer le « vieil homme » !

Qu’il extirpe toute racine de jugement

Et m’accorde la bienveillance !

Qu’il me rende humble comme Jésus

Et simple comme un enfant !

 

v. 10-14 Le mépris détruit et égare

Le mépris et l’esprit de jugement sont ce qui détruit la communauté. Le mépris est le contraire de l’accueil dont parle le v. 5. Il s’exprime à la fois par le regard, l’attitude et le geste.

Il contredit la loi du Royaume de Dieu : l’humilité et l’accueil.

Il fait entrer le monde dans l’Église et la détruit.

Celui qui le pratique s’égare et égare les autres.

Mais le Ressuscité, comme un bon berger, se met à la recherche de l’égaré ou du perdu.

Le bon berger nous veut autour de sa table, il veut l’unité de sa communauté.

La parabole de la brebis perdue l’exprime avec simplicité.

En Jésus ressuscité, nous recevons l’élan pour aller, nous aussi, à la recherche de l’égaré.

C’est même une ferme volonté de Dieu : « votre Père ne veut qu’aucun de ces petits ne se perde ».

  • Qu’est-ce pour moi la perdition ?
  • Comment cette image du berger qui se met à la recherche de la brebis perdue me parle-t-elle ?

 

Qu’en chaque homme je voie plus qu’un homme :

une personne aimée par toi,

façonnée à ton image,

habitée par l’Esprit,

entourée d’une multitude d’anges,

en qui Jésus m’attend

et en qui la Trinité agit !

Aiguise mon regard

pour voir mon prochain tel que tu le vois !

Alors je ne pourrais plus

ni le juger, ni le mépriser,

encore moins lui être indifférent.

Mais l’accueillir et l’écouter,

l’accompagner et l’encourager.

 

Viens et demeure en moi

pour que je voie

l’invisible dans le visible,

et le divin dans l’humain

 

v. 15-22. Les conflits: clarification, prière et pardon

De ce texte, je voudrais mettre en relief l’importance de faire le pas vers l’autre pour lui dire ma blessure. Cela demande du courage. Mais préalablement il faut que je fasse aussi le pas vers moi, pour me dire où sont les miennes. Les reconnaître et en prendre soin. Cela demande aussi du courage.

Il y a en fait cinq « courages » à pratiquer dans ce texte. Celui d’aller vers soi-même comme celui d’aller vers les autres. Le courage de nommer le négatif sans oublier celui de la nécessaire prière d’intercession dite ensemble et enfin celui du pardon continuel.

Tenir ensemble courage de faire le premier pas, de la vérité, de la prière et du pardon !

Il y a quelques années j’avais écrit cette prière:

 

Seigneur, que serions-nous sans toi qui viens à notre rencontre ?

Comment vivre les uns avec les autres pour que tu te manifestes ?

Ta Parole nous montre le chemin :

avoir le courage des clarifications,demander pardon avec sincérité

et pardonner du fond du cœur.

Mais comment est-ce possible ?

Tant de forces nous lient au lieu de nous relier,

tant de préoccupations nous distraient de l’essentiel.

Nous avons alors besoin de renouvelernotre confiance en toi, Seigneur.

Donne-nous des frères et des sœurs

pour te présenter ensemble les personnes

pour qui tu as donné ta vie :

celles que nous aimons,celles qui nous font souffrir

et celles pour qui nous tremblons. Amen.

 

Plus tard, sur la base de ce même texte, j’ai écrit cette autre prière :

Seigneur, donne-moi d’être attentif à ce qui se passe en moi,

lorsque quelqu’un ou quelque chose me heurte, ou encore lorsque je me blesse.

Que je m’octroie du temps pour nommer les émotions qui surgissent en moi,

et prenne soin de cette partie de moi qui a été blessée, sans la cacher.

Cela sera le carburant de l’œuvre que tu veux réaliser en moi.

 

Si c’est moi qui ai heurté un autre, que j’aie l’humilité

d’accueillir et d’écouter la personne qui m’en veut.

Que j’aie le courage aussi d’aller vers la personne qui m’a blessé

Pour lui dire mes (res)sentiments.

Donne-moi les mots et les gestes adéquats.

 

Que durant tout ce temps, je ne reste pas seul,

mais cherche ton secours et celui de mes frères et sœurs.

Oui mets sur mon chemin des compagnons pour te présenter

ce qui m’habite, dans une prière continue, sans douter de ton écoute.

Qu’ensemble nous soyons pénétrés de la conviction de ta présence

et de ta prompte action en réponse à notre prière dite en unité.

 

Que par-dessus tout tu me donnes la grâce de pardonner

en extirpant de mon cœur toute haine et toute peur,

tout désir de faire payer l’autre et toute joie mauvaise.

Et si le pardon semble impossible, que je puisse prier

comme tu l’as fait, en le confiant au pardon de ton Père :

« Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». 

 

Mais que ce pardon ne cache pas le mal commis,

ni ce qui doit être mis en lumière.

Pour cela donne-moi beaucoup d’amour et de patience,

de finesse et de foi, dans l’espérance que tu vas agir

à travers mes démarches bien imparfaites.

 

Accorde-moi enfin de ne pas me résigner dans le défaitisme,

ni de me replier dans l’amertume, mais à ton image,

d’aller jusqu’au bout, jusqu’à vivre toutes les béatitudes

et de recevoir ainsi la force de l’Esprit qui t’a animé durant ta passion.

Qu’elle soit la mienne dans toutes mes relations.

 

Quelques temps plus tard j’ai traversé un temps d’épreuve où le Seigneur m’avait donné de mettre en pratique ces différents « courages », lors d’un conflit. Aujourd’hui je voudrais revenir sur le verset 20 si important dans la vie de l’Eglise : « Là où deux trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux »

 

v. 20 : Le nom de Jésus est humilité

Au verset deux de ce même chapitre, Jésus a placé un enfant au milieu du cercle des disciples. A ceux qui se demandaient qui était le plus grand, il les a appelés à « se faire petit comme cet enfant ». C’est la « loi du Royaume », l’humilité.

Se réunir « en son nom » c’est vivre selon cette loi, se faire petit comme un enfant. C’est la condition pour que Jésus s’infiltre dans ce cercle, dans nos cercles aujourd’hui.

Là où il y a orgueil, suffisance, abus de pouvoir… il n’est pas là !

 

Seigneur, c’est en ton nom que nous nous réunissons.

Selon ta promesse, viens au milieu de nous !

Par ton amour qui s’est donné jusqu’au bout, viens !

Par ton humilité qui s’est fait petite comme un enfant, viens !

Par ta douceur qui refuse l’abus de pouvoir, viens !

Par ta simplicité, qui est source de richesse, viens !

Par ta miséricorde qui se rend proche de l’éprouvé, viens !

Par ta pureté qui résiste à la convoitise du monde, viens !

Par ta justice qui ne juge personne, viens !

Par ton pardon qui ouvre un avenir, viens !

Par ta paix qui rejette toute violence, viens !

Par ton endurance dans l’épreuve, viens !

Par tes larmes devant le mal et l’impiété, viens !

Par ta joie, fruit de ta fidélité à ton Père, viens !

 

Mets en nous tout ce qui t’habite !

Fais-nous vivre en ton nom !

Viens et ne tarde pas !


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