Jésus au désert, tableau de Berna. Tentations - Jeûner

Les tentations de Jésus et le jeûne. Matthieu 4

Cette méditation a été donnée lors de la Célébration de la Parole dans la cathédrale de Lausanne (1er février 2015). Celle-ci réunissait les groupes de jeûneurs (plus de 600 personnes en Suisse romande) qui vont commencer un jeûne d’une semaine durant le temps de Carême.

Le récit des tentations de Jésus est intéressant pour le thème du jeûne, car non seulement on voit Jésus jeûner, mais aussi pour en découvrir le sens. En effet diable tente Jésus sur les trois relations fondamentales de notre vie : la relation avec nous-mêmes, la relation avec Dieu et la relation avec le prochain.

Dans les trois tentations, le diable essaye de séduire Jésus en tordant le sens de ces trois relations fondamentales.
– Après 40 jours de jeûne, Jésus a faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, dis à ces pierres : « Changez-vous en pains ! » Le diable attaque Jésus dans sa faim, dans sa relation avec soi-même. Jésus répond que l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de la parole de Dieu
– La deuxième tentation concerne la relation de Jésus avec la confiance en Dieu. Le diable l’invite à provoquer Dieu en se jetant du sommet du temple. Jésus y résiste en citant à nouveau l’Ecriture sainte.
– La troisième tentation veut pervertir la relation de Jésus avec autrui. Le diable montre toutes les richesses du monde à Jésus et lui promet de les lui donner s’il se met à genoux devant lui. Cette tentation exprime notre relation avec l’argent. Et notre relation avec l’argent signale notre relation avec notre prochain.

Dans le sermon sur la montagne, Jésus reprend de manière positive ces trois relations et propose trois piliers pour la vie spirituelle : le jeûne (la relation avec soi-même), la prière (la relation avec Dieu) et l’aumône (ou le partage – la relation avec le prochain).
Lorsque tu fais l’aumône (ou donne de l’argent à ceux qui sont dans le besoin)… lorsque tu pries…lorsque tu jeûnes. C’est ainsi qu’est construit le passage de l’Evangile de Matthieu (Chap. 6) sur l’aumône, la prière et le jeûne. Pour Jésus, la vie religieuse repose sur ces trois piliers.

Ces trois piliers correspondent au triple commandement d’amour donné par Jésus :
– la prière : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force et de toute ta pensée. » Le premier commandement exprime notre relation avec Dieu.
– L’aumône (ou le partage) : « Tu aimeras ton prochain… » Notre relation avec le prochain est exprimée par l’aumône.
– Le jeûne : comme toi-même. » Le jeûne signifie notre relation avec nous mêmes.
Trois piliers de la vie spirituelle : l’aumône, la prière et le jeûne. On pourrait aussi parler des trois angles d’un triangle, qui sont Dieu, le prochain et moi-même. Donner de son argent à ceux qui sont dans le besoin exprime ma relation avec le prochain. Mais il existe, bien sûr, d’autres manières d’être en relation avec autrui. Prier exprime ma relation avec Dieu. Jeûner exprime symboliquement la relation avec moi-même.

La même idée se trouve dans la triade « sobriété, justice et piété » dans la lettre à Tite : « Car elle s’est manifestée, la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes. Elle nous enseigne à renoncer à l’impiété et aux désirs de ce monde, pour que nous vivions dans le temps présent avec sobriété, justice et piété, en attendant la bienheureuse espérance et la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ ». (Tite 2,11-13) La sobriété indique la relation avec soi-même, la justice celle avec notre prochain, la piété celle avec Dieu.

Un Père de l’Eglise (Pierre Chrysologue, + 450) disait à ce sujet : « Prière, secours des malheureux, jeûne, ces trois choses n’en font qu’une ; l’âme de la prière, c’est le jeûne ; la vie du jeûne, c’est de secourir les malheureux. »

Pour les Pères, comme déjà pour l’Ancien Testament (cf Esaïe 58.3ss), le vrai jeûne suppose la miséricorde qui donne, le vrai jeûne nous ouvre à la prière. Il est une manière de confesser notre foi dans un Seigneur venu dans l’humilité. L’Eglise jeûne avec Jésus qui a jeûné, elle vit dans l’humilité avec lui pour être glorifiée avec lui.

Jésus désire nous introduire dans la relation de confiance qu’il a avec son Père. Il nous parle d’une relation personnelle et intérieure possible avec ce Père qui est très proche. Jésus invite à vivre sous son regard la vie spirituelle avec ses trois piliers. Il invite à bâtir ces piliers sans se préoccuper du jugement de l’homme. Il appelle à vivre sous le seul regard du Père.
Depuis plus de 15 ans, je participe à un groupe de jeûneurs dans le temps de carême. A chaque fois, c’est une expérience nouvelle, car dans la vie spirituelle, on ne se répète pas. Mais à chaque fois j’approfondis, à la lumière de la Parole de Dieu, un peu plus ces trois relations indiquées par le jeûne, la prière et l’aumône.

Jeûner ensemble pendant une semaine est une grâce où je deviens un peu plus conscient de moi-même. Jeûner intensifie ma vie de prière. Jeûner m’ouvre à la fraternité dans le groupe et à la solidarité avec les personnes dans le besoin, en donnant à un projet d’entraide ce qui a été économisé sur les frais de repas.

A chaque fois, le fruit est une joie, une recherche de plus grande simplicité et un élan nouveau à vivre l’Evangile de la miséricorde. C’est ainsi que nous nous transformons et que l’Eglise se renouvelle !

Cathédrale de Lausanne, 1er février 2015.


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