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An de grâce 2018 : la vie est un voyage (Luc 9,1-6)

Comme nous sommes au dernier jour de cette année, c’est l’occasion à la fois de regarder en arrière et de se demander comment continuer notre voyage.

La vie est en effet un voyage. Et même un « saint » voyage…

Un voyage vers le « seul Saint »…et en sa compagnie !

 Dans l’Evangile Jésus parle du voyage de manière radicale : « Ne prenez rien avec vous pour le voyage : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n’ayez pas deux chemises chacun. ». (Voir Luc 9,1-6)

Récemment j’ai rencontré deux jeunes qui ont marché sur un chemin de pèlerinage pendant un an, sans prendre d’argent avec eux (pas même une carte de crédit !). Ils étaient accueillis où ils passaient. Parfois non. Ils ont dû apprendre la confiance …

Cela montre que les paroles de Jésus ne sont pas utopiques.

Leur démarche m’a interpellé.

Elle m’a posé cette question : en quoi ces paroles de Jésus sont-elles aujourd’hui valables, pour nous qui sommes plus ou moins installés ?

Ces paroles peuvent-elles nous aider dans notre « saint voyage » l’année prochaine ?

 

Tout commence par l’appel de Jésus

Jésus fait trois choses dans ce texte : Il appele ses disciples et les réunit autour de lui. Ensuite il les habilite à leur mission par un don. Enfin il les envoie.

Prenons ces trois points les uns après les autres: 

 

a. L’appel à venir autour de lui

« Jésus réunit les douze disciples ».

La première partie de ce texte paraît très réalisable. Nous le vivons en fait chaque fois que nous nous rassemblons.

L’Eglise est l’Ekklesia : une communauté appelée à se réunir autour du Ressuscité. L’expérience des premiers chrétiens était que Jésus ressuscité continuait à vivre au milieu de la communauté qu’il avait rassemblée autour de lui. 

 

b. Jésus « donne ce qu’il ordonne »

« Il leur donna le pouvoir et l’autorité de chasser tous les esprits mauvais et de guérir les maladies »

Ces dons que Jésus donne à ses apôtres sont la puissance qui réalise les guérisons et l’autorité qui chasse les esprits mauvais.

Deux choses caractérisent l’œuvre de Jésus : a) soigner et guérir, b) lutter contre tout ce qui divise (division signifiée par les esprits mauvais).

Son œuvre va déterminer aussi celle des Douze apôtres et des 70 disciples (c’est-à-dire celle de l’Eglise).

C’est ce que nous vivons dans nos célébrations. Dans la lecture de l’Evangile et l’Eucharistie : le Ressuscité vient à nous pour nous « donner ce qu’il ordonne ».

Il nous donne tout ce dont nous avons besoin pour vivre et faire vivre : son Esprit de force et d’amour, qui pardonne, libère, unit et sanctifie.

 

C. L’envoi

Puis il les envoya prêcher le Royaume de Dieu et guérir les malades. 

Après notre célébration ou toute forme de rencontre entre chrétiens qui se réunissent pour vivre la promesse de Jésus : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux », nous sortons pour témoigner.

Témoigner veut dire à la fois parler, mais aussi servir par des gestes, par la diaconie et l’entraide.

Annoncer l’Evangile et prendre soin des autres dans tout ce qui fait leur vie vont de pair. 

 

L’équipement

Chaque année, avec mon épouse Chantal je marche quelques étapes sur la Via Francigena qui conduit à Rome. Cette année nous avons parcouru tout le Val d’Aoste. Quand je serai à la retraite, dans bientôt deux ans, nous avons décidé de marcher jusqu’au bout.

Nous avons notre sac de montagne. Mais nous avons sur nous beaucoup plus de choses que ce que Jésus demande à ses apôtres. Il leur donne :

Trois consignes pour la route :

  • D’abord la règle générale : ne rien emporter
  • Puis quatre objets interdits : bâton, sac, pain, argent
  • Un objet de première nécessité que l’on peut porter, mais dont on ne doit pas emporter d’exemplaire de rechange : la chemise.

Comment comprendre ces recommandations si radicales ? Ont-elles encore une quelconque pertinence ?

Jésus énumère le bagage des pèlerins qui montent à Jérusalem. Un bagage qui est encore aujourd’hui celui des pèlerins…et, finalement, de tout touriste qui part en vacances :

  • Pas de bâton pour se défendre contre les chiens sur la route…ou même contre les loups. Le bâton est une arme, un objet pour se défendre. 

Durant l’année écoulée, quelle a été ma confiance en Dieu qui m’accompagne, me protège, me conduit ? 

Durant l’année nouvelle, comment vais-je accueillir les imprévus de Dieu et ceux de mes prochains ?

 

  • Pas de sac, ni de pain, ni d’argent : tout ce dont on a besoin pour notre vie matérielle 

Dans notre société nous multiplions les sécurités, les assurances, mais aucune ne nous met à l’abri d’un accident, survenu si rapidement.

Mettre sa sécurité en Dieu, plutôt que dans toute autre sécurité. C’est un décentrement : en quoi est-ce que je mets ma sécurité ? 

Durant cette dernière année, comment ai-je manifesté ma confiance en Dieu, le Père qui prend soin de moi, son enfant, même dans les plus petites choses de la vie ?

Durant l’année nouvelle, quelle confiance en la providence de Dieu vais-je manifester ?

 

  • Ne pas prendre deux chemises : cela signifie simplifier sa vie. Ne pas accumuler, mais partager ce qu’on a en trop. Un principe qui reste très actuel.

Simplifier sa vie : un appel que la communauté de Taizé a continuellement lancé aux jeunes occidentaux pris dans les tenailles de la société de consommation. Cet appel est à nouveau lancé ces jours lors d’une grande rencontre organisée par cette communauté à Bâle.

Durant l’année écoulée comment ai-je vécu cet appel à la simplicité de vie ?

Nous sommes faits pour le partage, car créé à l’image d’un Dieu qui est partage, communion. En partageant au fur et à mesure, on vit l’esprit de simplicité selon l’Evangile. En partageant on ne garde pas « deux chemises ».  

Dans l’année qui vient, comment vais-je vivre la culture du don et du partage que Jésus a initiée ?

 

 Un « anti-pèlerinage »

En quelque sorte, Jésus prend le contrepied de ceux qui font le pèlerinage vers Jérusalem.

Le premier et le plus grand pèlerinage est celui que j’ai à vivre dans la vie quotidienne, en vivant l’Evangile : me déplacer de l’égoïsme vers le don de soi à cause du Christ.

Dautre part, avec la venue de Jésus, le Royaume de Dieu n’est plus relié au Temple de Jérusalem, mais il est là où Jésus est présent.

Quand nous vivons ensemble son style de vie, il nous promet d’être présent parmi nous : « Là où deux où trois sont réunis dans le nom de Jésus, il est au milieu d’eux » (Mat 18,20.)

 

L’accueil dans les maisons

Jesus termine son instruction en disant que le disciple sera accueilli ou repoussé. 

a. L’accueil

« Partout où l’on vous accueillera, restez dans la même maison jusqu’à ce que vous quittiez l’endroit ».

Accueillis dans une maison : la première communauté se développe à partir de la première maison qui est devenue croyante. Elle deviendra le lieu de réunion de la communauté locale (Rom 16,5).

Combien il est important d’avoir des maisons où se vit la foi, où l’on peut partager notre vie, ouvrir notre cœur, dans un climat de confiance, à la lumière de l’Evangile. Ce n’est pas moins la clé du renouveau de l’Eglise.

Dans cette nouvelle année, comment faire de nos maisons des lieux d’accueil, d’ouverture du cœur et de fidélité à l’Evangile de la miséricorde ?

 

b. Le rejet

« Partout où les gens refuseront de vous accueillir, quittez leur ville et secouez la poussière de vos pieds : ce sera un avertissement pour eux. » 

Mais le disciple n’est pas toujours accueilli. Jésus l’invite alors à « secouer la poussière de ses pieds ». Quel est le sens de ce geste : pas un geste de malédiction.

L’amour du prochain peut exiger parfois qu’on laisse l’autre seul avec sa responsabilité. L’amour qui cherche à contraindre n’est plus l’amour.

Dans cette nouvelle année, comment vais-je vivre le détachement par rapport aux autres et par rapport à moi-même ?

******

 

En conclusion, je vous laisse, pour cette année nouvelle, les cinq questions que j’ai posées dans mon message :

1. Durant l’année nouvelle, comment vais-je accueillir les imprévus de Dieu et ceux de mes prochains ?

2. Quelle confiance en la providence de Dieu vais-je manifester ?

3. Comment vais-je simplifier ma vie pour vivre la culture du don et du partage que Jésus a initiée ?

4. Comment faire de nos maisons des lieux d’accueil, d’ouverture du cœur et de fidélité à l’Evangile de la miséricorde ?

5. Comment vais-je vivre le détachement par rapport aux autres et par rapport à moi-même ?

 

Une prière pour le passage vers l’an nouveau: 

Seigneur, nous venons à toi, le cœur plein de reconnaissance.

Tu ne nous as pas laissé seul durant cette année écoulée.

Toujours à nouveau tu nous as appelés autour de toi.

Tu nous as donné la paix de ta présence

et la force pour vivre ta justice.

Tu nous as envoyés comme témoins de ta lumière.

 

Seigneur, nous venons aussi à toi, le cœur lourd.

Trop souvent nous avons vécu sans confiance.

Nous n’avons pas compté sur ton aide

dans les petites comme dans les grandes choses.

Au lieu de simplifier notre vie, nous l’avons compliquée.

Au lieu de partager, nous avons accumulé.

 

Seigneur, alors que nous comptons sur ta promesse,

durant ce moment de silence,

viens toi-même nous ouvrir à toi,

pour que nous déposions en toi ce qui nous alourdit

et puisions en toi force et espérance pour l’année nouvelle !

Martin Hoegger


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