JC2033 et coe

« Jesus Celebration 2033 » et le Conseil œcuménique des Eglises

En 2016 j’ai visité plusieurs hauts responsables du Conseil œcuménique des Eglises (COE) pour leur présenter Jesus Celebration 2033 (JC 2033) et entendre leur réaction face à ce projet. Quelques visites ont été faites en compagnie d’Olivier Fleury, directeur de l’Association, lequel a visité également Olav Tveit, le secrétaire général du COE.

L’accueil était en général très ouvert. Quelques uns ont manifesté leur étonnement au début et des objections. Mais j’ai constaté qu’une prise de conscience se faisait progressivement, à savoir que la vision de JC 2033 pourrait interpeller les responsables des Eglises à chercher la volonté du Christ pour l’unité de son Eglise.  

Lire cet article en format PDF

 This article in English

 

2000-2017-2033-2048-2054

Depuis la naissance, la mort et la résurrection de Jésus-Christ, chaque année est une « année de grâce » (Luc 4,19). Mais avec l’an 2000 nous sommes entrés dans un temps spécial : chaque année devient, en quelque sorte un jubilé ! Celui de la naissance, de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse de Jésus. 2030 sera le jubilé du début de son ministère. Nous sommes actuellement dans ce temps de la « vie cachée » du Dieu-homme à Nazareth !

Pour les célébrations de l’an 2000, le jubilé de la naissance de Jésus, il n’a pas été possible d’en faire un événement, ni un processus œcuménique sur le plan du christianisme mondial. Certaines Eglises s’étaient pourtant très engagées, comme l’Eglise catholique. Yorgo Lemopoulos, secrétaire général adjoint du COE, m’a confié que c’était une de ses plus grandes déceptions de son long temps au COE. « Il est donc bon de s’y prendre longtemps à l’avance pour préparer 2033. JC 2033 ouvre la voie et c’est bien », dit-il.

Nous avons devant nous une série de dates symboliques, constate Martin Robra, conseiller spécial du secrétaire général : 2017 concerne la rupture à l’intérieur de l’Eglise occidentale, entre catholiques et protestants. 2054 rappellera les mille ans du schisme entre l’Orient et l’Occident. Ces divisions doivent être, si possible, bientôt surmontées. Mais pour les « jeunes Eglises » et les Eglises pentecôtistes ces dates ne signifient pas grand-chose. C’est à dire au moins la moitié du Christianisme aujourd’hui.

Or 2033 concernera tout le monde et sera compris avant tout comme une impulsion pour l’unité.  Comme d’ailleurs 2048 qui sera la date traditionnelle des 2000 ans du premier concile de Jérusalem

 

Les enjeux missiologiques de JC 2033

Pour Jooseop Keum, directeur de la Commission mission et évangélisation, la célébration de l’an 2000 n’a pas été un succès, car elle était trop liée au passé. Il faut centrer 2033 sur le sens de la résurrection aujourd’hui. C’est cela qui intéresse, en particulier les jeunes.

2033 est une date avant tout symbolique. Historiquement elle n’est pas établie, et avant le Conseil de Nicée, il y avait plusieurs dates. Mais l’important est de vivre la résurrection : la vivante présence du Christ ressuscité au milieu de nous qui nous unit et crée l’Eglise. Comment les gens expérimentent-ils la résurrection ? Pour cela il faut raconter des histoires de vie, axer sur le témoignage.

 

Penser en termes de spiritualité, non d’événement.

Selon Y. Lemopoulos, il ne faut pas seulement penser Pâques 2033 en terme d’événement, mais promouvoir la spiritualité, l’expérience de la résurrection : « Que veut dire vivre avec le Ressuscité ? Suscitez une réflexion existentielle et un partage sur la lumière de la résurrection » !  Pour Y. Keum, la foi est le plus important : communiquer que la foi en la résurrection peut changer la vie. Le renouveau de la foi est primordial. « En tant que missiologue, j’estime que le plus important est de partager nos  histoires avec Jésus… pas les politiques d’Eglises. Le message de paix et de réconciliation est central, à cause de la violence actuelle en lien avec la religion », dit-il.

 

Impliquer les  mouvements chrétiens

J. Keum pense qu’il faut impliquer les mouvements chrétiens, pas seulement les institutions et les responsables d’Eglises. D’un point de vue missiologique les mouvements sont des alliés, surtout si l’articulation de ce projet est missiologique. Ils savent aussi comment travailler avec les jeunes.

S’il y a un mouvement vers Pâques 2033 dans le peuple de Dieu, les gens voudront célébrer ensemble, et les responsables suivront. Les institutions s’impliqueront dans la mesure où la base s’implique. Ce mouvement du peuple est à susciter…Mais seul l’Esprit saint le peut. Il faut donc l’invoquer ! 

Quelles implications cela a-t-il pour JC 2033 ? M. Robra appelle à ce que la célébration des 2000 ans de la résurrection soit portée par tous. Pour cela il faut que les mouvements se rencontrent, à l’image de ce qui se vit à Ensemble pour l’Europe, une communion de mouvements et de communautés. « Pâques 2033 n’est la propriété de personne. Que ce projet devienne commun et un espace entre les mouvements et les institutions », souhaite-t-il !

 

La dimension œcuménique de JC 2033

« Si Christ n’est pas ressuscité notre foi est vaine : la foi en la résurrection unit tous les chrétiens au delà de toutes leurs divisions », rappelle Odair Matteus, directeur de Foi et Constitution. Celui-ci avait participé au dialogue entre pentecôtistes et réformés et se réjouit de ce projet : « Sa dimension oecuménique sera sa force. Il sera sans doute plus attirant en Amérique du sud, en Asie, et Afrique qu’en Amérique du Nord et en Europe ». Il se réjouit en particulier qu’un pentecôtiste, Olivier Fleury, cherche la communion avec les Eglises historiques.

Ani Ghazaryan Drissi, théologienne et responsable de programmes pour la Commission de Foi et Constitution, pense que ce le JC2033 pourrait faire avancer et fortifier les liens, ainsi que la communion entre les Eglises membres et non membres du COE, telles que les Eglises évangéliques et pentecôtistes. Par la suite elle a initié et organisé des rencontres au sein de l’Eglise Apostolique Arménienne pour notre voyage en Arménie, en octobre 2016.

Olav Tveit estime que ce projet nous ramène à l’essentiel : « En tant que chrétien, disciples du Seigneur et Sauveur, nous devons revenir aux fondamentaux pour travailler à l’unité visible de l’Eglise ». Il invite aussi à se poser la question pourquoi il est important que les chrétiens célèbrent ensemble Pâques. « Cette fête est vraiment commune à tous les chrétiens. Pour les jeunes, il est particulièrement important d’en comprendre la signification pour l’identité chrétienne ».  

Lors d’une brève rencontre avec Douglas Chial, ancien responsable du COE des relations avec les pentecôtistes, j’apprends que celui-ci est très heureux de ce projet, dont il devine le potentiel. « Ce n’est qu’en mettant le Christ au centre qu’on fait progresser l’unité. L’avenir est à de tels projets « d’œcuménisme spirituel ». 

Quelle base spirituelle pour JC 2033 ? D’après M. Robra, la base christologique est la plus importante : « nous croyons en Jésus-Christ, le Seigneur ressuscité ». Le COE et le Forum Chrétien Mondial ont une base trinitaire.  

 

JC 2033 et les Eglises du Moyen Orient

Carla Khijoyan, responsable au COE de la relation avec les Eglises du Moyen Orient a accueilli avec enthousiasme le projet JC 2033, lors de trois rencontres. « Cela sera l’occasion de donner un message fort de la résurrection du Christ. La situation des chrétiens au Moyen Orient est désespérée. JC 2033 peut leur donner un grand encouragement et une espérance. En particulier pour ceux qui ont tout perdu ». 

Comment les chrétiens voient ils leur avenir en lien avec la résurrection du Christ ? Qu’est ce que 2033 signifie pour eux ? C. Khijoyan nous a grandement aidés en organisant plusieurs visites pour notre voyage au Liban. Nous avons pu vérifier sur place la pertinence de ses remarques et questions.

Son rêve est que les chrétiens d’Orient puissent faire un pèlerinage à Jérusalem à cette occasion. Mais pour l’instant cela leur est interdit.  Le Liban, la Syrie et d’autres états arabes interdisent à leurs ressortissants d’aller en Israël. Nous avons entendu ce désir au Liban à plusieurs reprises.[1]

 

JC 2033 et l’Eglise orthodoxe : la question de la date de Pâques.

Pour Ioan Sauca, directeur de l’Institut œcuménique de Bossey, la vision de JC 2033 pose deux grandes questions à l’Eglise orthodoxe : celle de la prière commune et celle de la date de Pâques.

Pâques est  la fête centrale dans le monde orthodoxe, beaucoup plus que dans la tradition occidentale. « Si l’an 2000 a été l’occasion de donner la réponse des Eglises à l’engouement du monde sécularisé, l’an 2033 est bien plus important pour elles, car le christianisme commence avec la résurrection du Christ. Une occasion de témoigner ensemble est donnée aux Eglises », dit l’archevêque Job Getcha, délégué du patriarcat de Constantinople au COE.

L’Eglise orthodoxe fête Pâques à un autre moment que les autres Eglises. Le problème de l’unification de la date de Pâques est très sensible dans les Eglises orthodoxes. Un travail œcuménique sur cette question avait été initié par le Métropolite Damaskinos dans les années 1970 (à Chambésy en Suisse).

Le colloque tenu à Alep (Syrie) en 1997 sous les auspices du COE et du Conseil des Eglises du Moyen-Orient dans le but de progresser vers une date commune de Pâques constitue un jalon marquant dans les efforts pour aplanir les obstacles. Le document « Towards a common date of Easter » (Vers une date commune de Pâques) en a résulté.

Mais les Eglises orthodoxes ont refusé ses conclusions. Le synode orthodoxe qui s’est réuni en Crête en juin 2016 n’a pas abordé la question du calendrier. « Chaque fois qu’on y touche, il y a un risque de schisme. Le dernier essai s’est fait en 1948, dans un rassemblement des chefs d’Eglises orthodoxes à Moscou, réunion durant laquelle ils ont aussi de refusé d’adhérer au COE », rappelle O. Mateus.

Selon l’avis de ce dernier, il n’y a qu’une manière de provoquer un changement : que le pape François annonce qu’il adopte le calendrier orthodoxe ! Il serait sans doute suivi  par les autres Eglises de tradition occidentale : « La balle est dans son camp. Il a donné des signes positifs. S’il le veut, il en a le pouvoir. Cela serait un véritable tremblement de terre œcuménique et mettrait toutes les Eglises dans une nouvelle situation ! » 

Quelles implications cette division actuelle a-t-elle pour JC 2033 ? Pour Olav Tveit, les 2000 ans de la résurrection peuvent remettre sur le tapis la question de l’unification de la date de Pâques. Le projet JC 2033 y contribue. Selon M. Robra, Il faudrait proposer un temps de Pâques, plutôt qu’une seule date. Une analogie peut être faite avec la date du « jour de la création ». Le 1er septembre a été proposé par le patriarche Bartholomée. Mais l’Eglise catholique a choisi  la fête de S. François d’Assise, le 4 octobre. Alors le COE a proposé aux Eglises un Temps pour la création entre le 1.9 et le 4.10 chaque année. On pourrait imaginer quelque chose de semblable pour Pâques 2033, mais il n’est pas nécessaire d’attendre jusque là, propose M. Robra qui verrait bien cette démarche commencer symboliquement à Jérusalem.

 

« Tout est fruit de la prière »

JC 2033 doit être soutenu par la prière. Un mouvement de prière devrait être suscité autour de ce projet. « Tout est fruit de la prière », disait W. Vissert’hooft, le premier secrétaire du COE.

Olivier Fleury et moi avons rencontré Huibert Van Beek, (ancien secrétaire du Forum Chrétien mondial), avec son épouse Ria chez M. Robra dans sa ferme des Charbonnières dans le Jura vaudois. Pour Ria la prière est essentielle : « pour développer le désir de vivre quelque chose ensemble durant le temps de Pâques, il faut inviter le peuple de Dieu à prier et à se visiter ».

Quelques idées ont été partagées durant cette belle rencontre : calendrier de prières pour le temps de Pâques, une semaine de prière durant ce temps, ou, plus modestement une journée de prière (analogue à la « Journée mondiale de prière » portée par les femmes du monde entier, au mois de mars). « Cette prière doit avoir une forte dimension missiologique. Qu’elle soit une demande de changement profond du cœur ! », dit H. Van Beek. 

 

« Une bonne idée a plusieurs pères et mères ! »

Comment aller de l’avant avec ce projet ? Pour M. Robra, le maître mot est « écouter » : « une bonne idée doit avoir plusieurs pères et mères. Le défi est de susciter un mouvement créatif et enrichissant où chacun apporte du sien. Alors l’Esprit agit ! C’est maintenant qu’il faut le commencer et nous voulons le développer avec les Eglises et mouvements ».

Il faut faire comprendre que nous avons besoin de chacun. Voici quelques questions qui peuvent être posées aux Eglises et aux mouvements : que pouvons-nous faire ensemble ? Quelle est votre vision pour 2033 et quel est le meilleur que nous pouvons faire ensemble ?

S’il est important de recueillir des soutiens des autorités des diverses Eglises jusqu’en 2020, sous forme de déclarations, il faut surtout susciter des cercles d’amis portant ce projet dans différents pays, à l’image de ce que fait déjà le Forum chrétien mondial. Aux Eglises et personnes visitées, il faut rappeler sans cesse la vision. 

De plus, pense J. Keum, l’oecuménisme institutionnel doit être dynamisé. Il ne faut pas tellement  se concentrer sur la question « qui invite »?  Mais plutôt travailler et penser en termes de réseau. Les jeunes vivent en réseaux. Il faut les mobiliser, en particulier à travers les réseaux sociaux.

 

Conclusion   

En guise de conclusion, voici quelques affirmations fortes que j’ai encore entendues au COE :

2033 n’est pas une commémoration d’un événement passé, c’est le début d’un changement radical dans la vie de millions de personnes !

2033 est un appel à changer ma vie. C’est un pèlerinage œcuménique qui commence maintenant !

Cela serait un scandale si nous étions toujours divisés sur la date de Pâques pour les 2000 ans de la résurrection de Jésus !


[1] Pour nos visites aux Eglises du Liban, voir ici  . Des voyages sont prévus prochainement à Jérusalem, à Constantinople et en Egypte


Publié

dans

,

par

Étiquettes :