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Marcher ensemble à Jérusalem Réflexions sur un congrès judéo-chrétien.

               Descente des escaliers sous S. Pierre en GallicanteJ’ai participé, fin février 2009, à une rencontre entre juifs et chrétiens, sur le thème « marcher ensemble à Jérusalem ». Environ une centaine de personnes des deux religions y ont participé, à part égale. J’aimerais non pas faire un résumé, mais vous partager quelques réflexions et impressions.1

Au début de cette année-là, des événements pénibles (guerre à Gaza) auraient pu remettre en cause ce congrès. Mais celui-ci a montré que le dialogue est plus nécessaire que jamais !

Marcher à Jérusalem ! Je connais cette ville depuis plusieurs années. Certains l’appellent « sainte », mais en fait, comme l’a dit un rabbin,  elle nous appelle à la sainteté, car Dieu, le Saint, s’y est manifesté. J’y ai marché dans beaucoup de rues et chaque fois j’y découvre quelque chose de nouveau.

Cheminer à Jérusalem. Dans la Bible, la marche est une image de la vie. On dit d’Hénoch et de Noé qu’ils « marchaient avec Dieu ». Le prophète Michée exhorte le peuple à « marcher humblement avec Dieu », en pratiquant la justice et en aimant la miséricorde. Avec l’aide de Dieu, on peut marcher dans le désert  durant 40 jours comme le fit Elie. Et même marcher sur les eaux…

Cheminer ensemble à Jérusalem. Il y a une beauté et une grande joie à marcher ensemble, comme dit le Psaume 122 : « Quelle joie quand on m’a dit : allons à la maison du Seigneur ». Beaucoup de psaumes disent le bonheur d’être ensemble quand une fraternité nous rassemble. A plusieurs reprises nous avons chanté le Psaume 133 en hébreu : « Hiné ma tov ou ma nahim… » – « Comme il est bon, comme il est doux, frères et sœurs de demeurer ensemble.

Marcher ensemble a été comme une pluie bienfaisante de printemps. Il n’avait pas plu à Jérusalem depuis le début de l’année et le jour où le congrès a commencé, de fortes pluies, pour lesquelles les croyants de toutes les religions avaient prié, se sont mises à tomber. C’était un petit « clin Dieu » pour notre rencontre.

Quand on marche ensemble sur un chemin de pèlerinage, le but n’est pas encore atteint. La vie est comme un voyage, où nous sommes en route vers l’Eternel, qui nous appelle à « être saint comme il est saint ». Si nous avons marché à Jérusalem, d’une certaine manière, nous avons aussi marché vers Jérusalem, vers cette « maison du Père », dont Jésus dit, qu’elle contient « beaucoup de demeures » (Jean 14,2).

Deux moments marquants

J’aimerais évoquer deux moments qui m’ont particulièrement marqué. D’abord celui passé au pied des escaliers qui descendent de l’Eglise de Saint Pierre en Gallicante, en dessous du Mont Sion (là où Pierre a renié Jésus à trois reprises). Selon une tradition, c’est ici que Jésus aurait prié pour l’unité de toute la famille humaine : « Que tous soient un ». Je voyais ces vieux escaliers qui datent de l’époque de Jésus, où il a marché avec les siens. 

Au loin, je voyais aussi le mur, rappel de la douloureuse blessure de cette ville qui, plus que tout autre, a une vocation à la paix et à l’unité, comme son nom le signifie : Jérusalem, la ville de la paix.

C’est là que nous avons eu un premier moment de prière tout simple. Le psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger » chanté en hébreu par une juive puis en arabe par des chrétiens palestiniens. Et nous avons renouvelé entre nous une sorte de pacte d’amitié, demandant à Dieu que rien ne puisse nous séparer les uns des autres et nous engageant à vivre cette fraternité à laquelle nos livres saints nous appellent.

Kotel            Moment de prière devant le « Kotel ». Puis, notre chemin nous a conduits à entrer dans la vieille ville de Jérusalem, à travers la porte qui ouvre au Mur occidental ou le Kotel, en hébreu. Chacun est d’abord allé y prier individuellement. Ce jour était, pour les chrétiens, le premier jour du carême (« Le mercredi des cendres » dans la tradition catholique), un temps qui appelle à la prière, à la reconnaissance de nos torts, à la conversion du cœur, afin que la Grâce ouvre et change nos cœurs. C’est dans cet esprit que j’ai appuyé mon front contre le mur, pendant de longues minutes.

Puis nous nous sommes tous retrouvés en cercle sur la grande place devant le mur. Et nous avons à nouveau prié, l’une tradition s’associant à la prière de l’autre. Nous avons en particulier demandé à Dieu de nous utiliser comme des instruments de paix et de réconciliation, en Israël et partout dans le monde. J’ai eu alors le très fort sentiment que Dieu s’était infiltré discrètement parmi nous.

Un ami juif m’a partagé la même expérience. Selon la tradition juive, la shekina, la présence de Dieu, qui était dans le Temple de Jérusalem, réside encore au pied du Mur. Il avait l’impression, durant ce moment, que cette shekina  était au milieu de nous et agissait entre nous.  

Quant à moi je me suis souvenu de la promesse de Jésus : « Le règne de Dieu ne vient pas à frapper le regard…il est au milieu de vous » (Luc 17,20). C’est tout joyeux, le cœur rempli que nous sommes alors rentrés à l’auberge où nous logions.  Une joie qui a renouvelé ma confiance et mon élan pour continuer ce dialogue si important entre juifs et chrétiens.

La vie est un voyage  

Un juif américain très riche a fait le voyage en Europe pour rencontrer un célèbre rabbin. Il fut très surpris de la grande simplicité dans laquelle il vivait. Il lui demanda pourquoi, lui, si célèbre vivait dans ce grand dépouillement. Le rabbin lui posa une autre question : où sont les meubles que vous avez pris avec vous ? L’autre de répondre : mais je n’ai pas de meubles avec moi. Je suis en voyage. Et le rabbin : moi non plus, car je suis aussi en voyage !

1 Organisée par le mouvement des Focolari, cette rencontre a vu la participation de personnes qualifiées dans le dialogue judéo-chrétien, tels les grands rabbins David Rosen (Jérusalem) et Marc Raphaël Guedj (Genève), le patriarche latin de Jérusalem Fouad Twal et Joseph Sievers (directeur du Centre Cardinal Béa pour les Etudes juives, Université grégorienne, Rome. Le cardinal Carlo Maria Martini, grand artisan de dialogue, a partagé une réflexion sur ce thème de « Marcher ensemble », dont je m’inspire ici.


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