Madrid3

« Paix sans frontières » !

Voici la synthèse des riches interventions de la soirée d’ouverture de la rencontre pour la paix organisée par la communauté de Sant’Egidio, sur le thème : « Paix sans frontières ». Environ un millier de personnes se sont réunies au palais municipal de Madrid, le 15 septembre 2019.

Sans dialogue pas de paix

La rencontre de cette année coïncide avec le 80e anniversaire du début de la 2ème  guerre mondiale, remarque Mme Tiscar Espigares, responsable de la Communauté de Madrid . « Le dialogue est le chemin le plus sûr vers la paix. Sans dialogue pas de paix », affirme-t-elle.

Ce lien entre la nécessité du dialogue et la paix sera le thème dominant de cette intense soirée.

Pour le Cardinal Osoro Sierra, archevêque de Madrid, Dieu a donné un charisme à la Communauté de S. Egidio : elle nous l’offre en nous rappelant que nous sommes tous membres de la famille humaine.

« Où est notre frère, cette question est la plus urgente ! Dieu veut qu’aucun des hommes ne se perde ! Nous sommes tous frères et sœurs », dit-il.

Margarita Robles, ministre du gouvernement espagnol, pense que rien n’est plus noble ici-bas que la lutte pour la paix. Elle exige de ne jamais s’arrêter, pas même une minute. Le dialogue est le seul moyen pour avancer sur le chemin de la paix, où il ne faut jamais baisser les bras.

 

La prière fait tomber les murs

Dans son message le pape François rappelle que le pèlerinage de la prière pour la paix a commencé à Assise en 1986 et ne s’est jamais arrêté.

Il est une prière adressée à Dieu et appelle à la promotion du dialogue. Cette prière a contribué à faire tomber le mur de Berlin. Comme à Jéricho, la prière peut ébranler les murs.

Mais nous voyons aujourd’hui que de nouveaux murs se construisent. « Il est fou de séparer les peuples et de refuser l’accueil à ceux qui en ont besoin. De cette manière le monde s’abime », affirme-t-il.

La maison commune a besoin de portes ouvertes, pas de murs. Elle a de nombreuses pièces où nous sommes tous invités. « Je demande la paix au Dieu unique, le seul capable de nous la donner. » dit-il.

L’aspiration à la paix est commune à toutes les religions. Elle nous unit tous, au-delà des différences. La fraternité entre croyants est un levain de fraternité entre peuples. Le document sur la fraternité d’Abu Dhabi le rappelle. « Nous devons tous nous unir pour dire que la paix n’a pas de frontières, » conclut-il.

 

La mondialisation économique ne suffit pas

Pour le fondateur de Sant’Egidio, Andrea Riccardi, le thème de la présente rencontre – « Paix sans frontières » – pourrait paraître une utopie. Les frontières assurent l’identité d’une nation, comme les murs d’une maison. Nous avons tous besoin d’espaces avec des limites. En particulier pour nous protéger d’une mondialisation qui détruit ces limites.

Le problème ne sont pas les frontières mais comment nous les vivons.

Le terrorisme montre que nos frontières ne nous mettent pas à l’abri. Seule une paix plus grande peut le faire.

Les conséquences des désastres écologiques ne s’arrêtent pas non plus aux frontières. La nature nous rappelle que nous sommes tous reliés.

Il note deux dates symboliques, cette année : les 30 ans de la chute du Berlin et les 80 ans de l’invasion de la Pologne.

Le 9 septembre 1989 voit l’écroulement du mur de Berlin, une grande surprise ! Tout de suite après le processus de globalisation s’est mis en route.

Mais la globalisation économique ne suffit pas, il faut aussi la globalisation spirituelle. 30 ans après nous devons reconnaître que cette dimension spirituelle est embryonnaire.

Dans notre monde, il y a très peu de vision globale. Des combats ont été engagés pour défendre de nouvelles frontières. La question des migrants se pose avec une telle intensité qu’on ne peut la résoudre de manière uniquement nationale. Il faut le souffle d’un humanisme planétaire.

La deuxième date est le 9 septembre 1939 : l’invasion de la Pologne et le début du plus grand carnage de l’humanité. La mémoire de cette guerre nous rappelle l’horreur de toute guerre. C’était le début de la mondialisation de l’horreur.

Il conclut avec le document sur la fraternité (signé à Abu Dhabi en février dernier) qui indique le dialogue comme voie de paix. Nous n’avons pas à nous résigner devant des intérêts partisans. Les religions doivent cultiver le dialogue et dépasser les particularismes.

 

Forces d’inclusion

Filippo Grandi, haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, annonce qu’il y a 71 millions de personnes déplacées dans le monde ! Quelles réponses leur donnons-nous ?

Il appelle à ne pas oublier les causes et les conséquences des exils forcés ! Les réfugiés passent les frontières pour vivre en paix. Mais souvent les frontières se ferment pour eux. Il y a une hostilité à leur égard, car ils représentent une diversité de culture et de religion.

La définition du mot « réfugiés » forgée après la guerre est encore valable. Ils ont droit à l’asile. Le remettre en question implique un pas en arrière.

Les pays doivent travailler ensemble. Les réponses du style « nous d’abord » sont inadéquates.

Une société, si elle veut être en bonne santé, doit être inclusive. Cependant il ne faut pas sous-estimer l’angoisse de la population. Nous devons nous demander pourquoi les gens se sentent menacés par les réfugiés. Mais les réponses à court terme empêchent une réflexion plus profonde.

Les ONG et les associations religieuses ont à être des forces d’inclusion. Que cette rencontre rappelle au monde la gratuité du geste qui a le pouvoir de sauver ceux qui vivent l’exil !

 

Unir foi et raison

Pour Jeffrey Sachs, expert en développement durable et consultant à l’ONU, nous sommes en mesure de menacer notre survie par nos guerres et notre attitude face à la nature. Mais l’humanité est dotée de raison. Elle peut mettre fin à la guerre.

« Unissons foi et raison pour une éthique commune ! Nous sommes les héritiers de tant d’hommes et de femmes de paix », dit-il.

Avec un transfert de seulement 1% des richesses depuis les pays riches vers les pays pauvres, nous pourrions mettre fin à la pauvreté extrême. Et sauver tant d’enfants : 60 millions ne vont pas à l’école.

Le revenu des 15 personnes les plus riches du monde permettrait de financer l’éducation de 260 millions d’enfants ! Nous sommes dans un monde riche, mais avons perdu la boussole.

 

Le rêve de l’Afrique

Le Président de la république Centre-africaine, Faustin-Archange Touadéra, a eu un rêve : « l’Eurafrique ». Pas de paix de l’Afrique sans l’Europe ! Il y a un lien essentiel entre les deux continents. Ce que l’Europe a réalisé est aujourd’hui le rêve de l’Afrique.

Il ajoute qu’il n’y a pas non plus de paix sans écologie intégrale et sans droit à la santé pour tous.

De plus, pas de paix sans l’abolition de la peine de mort ! Il veut d’ailleurs l’abolir dans son pays. Cela serait un signe de pacification.

« Je suis venu ici pour affirmer ma conviction inébranlable que la guerre et la violence ne sont pas un destin inévitable ».

 

Où es-tu ?

Israel Meir Lau, le rabbin en chef de Tel Aviv, cite le livre de la Genèse. La première Parole adressée par Dieu à Adam était, « où es-tu ? » ´

C’est la question que nous devrions aussi tous nous poser : où étions-nous quand la Shoa a eu lieu ? C’est ce que le pape François a dit à Yad Vashem en 2015. Le rabbin Meir ne l’oubliera jamais.

Pendant la guerre de 39-45 il se posait une seule question : « pourquoi » ? « Qu’ai-je fait de mal quand ils ont emmené ma mère et mon père. ? »

Il est convaincu qu’avant de parler de paix, il nous faut dialoguer. Entre Abel et Caïn il n’y a pas eu de dialogue. Pourquoi un frère a-t-il tué l’autre ? À cause du manque de dialogue ! Il n’y a pas eu un seul mot entre eux.

Pourquoi n’y a-t-il eu aucune victime dans l’arche de Noé ? Comment était-ce possible ? Parce qu’ils savaient qu’il y avait un ennemi commun : le déluge ! L’ennemi commun les avait rendus solidaires.

Nous avons aussi des ennemis communs : les armes, le crime, la maladie, la pauvreté…. Dans les cinq continents nous avons les mêmes ennemis. Il faut en parler.

La paix est possible : par exemple le président égyptien A. Sadate avait lutté contre Israël et pourtant il a ouvert un dialogue, de même le roi Hussein.

« Je dois ma vie, durant la guerre mondiale, à des personnes qui ont sacrifié la leur pour me sauver. Je sais ce qu’est le dialogue », confie-t-il.

« Je suis les activités de dialogue de Sant’Egidio depuis 30 ans. En 1993 j’étais avec le cardinal Martini et S. Gorbatchev sur le podium de S. Egidio. Le dialogue est possible : tous les peuples doivent pouvoir dialoguer. Si nous voulons la compréhension et l’amitié nous pouvons atteindre la paix ».

 

Commencer par nous-mêmes

Le Métropolite Hilarion, du patriarcat de Moscou, cite le grand Saint russe Séraphin de Sarov: « acquiers un esprit de paix et des milliers autour de toi seront sauvés ».

Il est convaincu que la transfiguration du monde commence par celle de l’homme. Il faut partir de nous-mêmes pour changer le monde. Certaines tentatives pour transformer le monde n’ont pas porté de fruit mais ont provoqué beaucoup de violences. L’esprit qui les anime n’était celui de Dieu.

Après sa résurrection le Christ a transmis sa paix à ses disciples et les a envoyés pour l’annoncer à tous.

L’Esprit suscite des ouvriers pour la paix aujourd’hui. L’un de ces ouvriers au service de la paix est la communauté de S. Egidio. Hilarion dit sa grande reconnaissance envers ses fondateurs et ses membres.

Acquérir un esprit de paix est une École qui implique le respect de l’autre et le dialogue.

 

Les niveaux de la paix

Mohammad Al-Mahrasawi, chancelier de l’université de Al Azhar en Égypte, affirme que le nom même d’Islam vient du mot paix. La paix est enracinée dans l’Islam. Elle apparaît 140 fois dans le Coran. Le terrorisme est donc une perversion de l’Islam.

La paix est une notion universelle, dont le monde a besoin. Dieu a voulu s’appeler « paix ». Elle doit être diffusée partout.

Il distingue quatre niveaux de la paix. Le premier pas est la paix intérieure. Son signe est qu’il n’y a pas de haine en l’homme. La chose la plus dangereuse aujourd’hui est la perte de la paix intérieure. La personne divisée en elle-même ne peut donner la paix autour d’elle.

Puis vient la paix dans la famille. Elle implique aussi l’accueil. « Donner la paix au voyageur, c’est lui garantir la sécurité. »

Troisièmement la paix avec la communauté. Le vrai Islam s’oppose à la haine : « Ton pire ennemi doit devenir une personne que tu aimes ». « Celui qui tue ne pourra sentir le parfum du Paradis. »

La paix avec l’univers est la quatrième étape.

« Implorons Dieu pour que nous puissions vivre en tant que frères et sœurs en humanité comme l’a voulu notre créateur ! » a conclu l’orateur.

Lundi et mardi une cinquantaine de tables rondes ont réuni des experts pour illustrer ce thème: « Paix sans frontières ».

 

Autres articles

Le document sur la Fraternité humaine


Publié

dans

par

Étiquettes :